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heures. Pour d’autres recherches, comme celle de la fonction musculaire, on n’a pas d’observations méthodiques et répétées, mais seulement quelques documents isolés. Enfin, les expériences les plus longues de travail intellectuel ne dépassent pas une après-midi ou au plus quelques jours, et on reste dans l’ignorance de ce qui se produit dans le corps et l’esprit des jeunes gens au cours d’une année complète de travail intellectuel assidu. Ajoutons encore que certaines recherches techniques, comme celles de la sécrétion urinaire et du chimisme respiratoire, ne sont encore qu’ébauchées.

Le second desideratum que nous avons à signaler porte sur la coordination et les rapports réciproques de toutes ces études. Chacune d’elles a été faite jusqu’ici par un auteur différent, qui après avoir choisi son sujet s’y est cantonné avec le plus grand soin, et n’a étudié par conséquent les effets du travail intellectuel que sur une seule fonction et avec une seule méthode ; tel n’a examiné que la sensibilité tactile, tel autre n’a employé que la méthode des dictées, un troisième n’a fait que de la thermométrie, ce qui n’a pas empêché les auteurs de ces études partielles et incomplètes d’en tirer des conclusions tout à fait générales sur l’hygiène de l’esprit. C’est être bien pressé et bien imprudent. Il reste donc, pour compléter toutes ces ébauches, à reprendre la question depuis l’origine, en faisant marcher de front, dans une étude commune, toutes les méthodes qui ont été éprouvées ; cette étude d’ensemble s’impose, malgré les difficultés pratiques qu’elle peut présenter ; il faut non seulement connaître tous les signes physiques et mentaux de la fatigue intellectuelle ; il faut encore savoir à quel moment chacun d’eux se manifeste et quelle est sa valeur ; il faut déterminer si le ralentissement du cœur précède les changements de la pression sanguine, si la diminution de la sensibilité tactile coïncide avec une diminution de l’attention, si les erreurs de mémoire qui sont révélées par les dictées se produisent longtemps après la baisse de la force muscu-