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Négligeons ces parties accessoires ou la discussion semble avoir un peu dévié.

Le premier point de fait à résoudre, celui qui dominait tous les autres, celui qu’il fallait par conséquent examiner avec le plus grand soin, était, de savoir si bien réellement, en 1887, les élèves des écoles et lycées étaient surmenés par les programmes d’enseignement et d’examen. En relisant avec soin toutes les discussions, pour rechercher cette preuve de fait, on est un peu surpris de ne rien rencontrer de bien positif.

Presque tous les médecins qui ont pris la parole ont admis implicitement ou ont affirmé que les enfants des écoles sont surmenés et qu’il faut faire quelque chose pour eux. C’était, semble-t-il, une affaire convenue. On n’a pas discuté cela comme un point de fait ; on n’a pas établi de distinction entre les écoles ; on n’a pas dit : les enfants sont surmenés à l’école de la rue de Jouy, ils ne le sont pas au lycée Louis-le-Grand, etc.

Du reste, la plupart de ceux qui ont contesté le surmenage se sont contentés aussi d’invoquer leur conviction personnelle, sans donner de preuves à l’appui.

Un autre moyen de persuasion qui a été beaucoup employé est l’épithète, l’expression pittoresque.

En parlant des enfants des écoles, un orateur les désignait toujours par le nom de victimes scolaires ; on les appelait aussi des amputés de l’intelligence, des forts en thème tuberculeux, des condamnés aux travaux forcés ; l’enseignement de l’Université était un enseignement homicide. Parlant d’une école normale d’institutrices, Peter disait « Nous avons nos femmes savantes, mais avec la fièvre typhoïde en plus. » Le même orateur demandait une loi Rousselle pour les enfants contre le surmenage. Dans un de ses discours, il trouva un bel effet oratoire en disant : « J’ai eu le bonheur, étant petit enfant, d’être trop pauvre pour être mis au collège, j’en serais mort. » C’est encore lui qui a crée une espèce nosologique