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de Romieu.

Déjà je m’étois fait un grand Religieux,
J’aſſiſtois ſaintement à l’Office des Dieux.
J’étois déjà tout fait aux Heures canoniques,
Je ſavois leurs Verſets, leurs Hymnes, leurs Cantiques,
Et l’on s’émerveilloit à voir mon long manteau,
À voir ma grand ſoutanne & mon large chapeau.
Un jour d’un Saint Martyr on célébroit la Fête,
Attentif d’achever ma très-humble requête,
Que j’adreſſois à Dieu, dans l’Égliſe égaré.
De la preſſe & du bruit aſſez bien ſéparé,
J’aviſe à moi venir cette douce ennemie ;
Alors une rougeur d’une couleur blémie
Me monte ſur la face, & d’aiſe tout épris,
Je me raſſure enfin ayant courage pris.


Son aller eſt céleſte & ſon port plein de grace,
Sa modeſte beauté toute autre belle efface.
Elle portoit en main une grand coupe d’or ;
Et moi je la crus être une Déeſſe encor,
Qui deſcendoit des Cieux en habit de mortelle,
Tant la Divinité ſembloit empreinte en elle.
Elle entre dans l’Égliſe & s’approche de moi,
De moi qui ſuis tout proche, & qui reſte tout coi.
Me fit la révérence en tirant de ſon cœur
Un ſoupir qui ſembloit démentir ſa rigueur.
Enfin j’entends ces mots de ſa bouche ſucrine,
D’où jamais ne ſortit que parole divine :