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Madame Behn.

Cher Amant, laiſſe-moi te rappeller ce jour affreux, ce jour de mort, où des ordres ſuprêmes nous ſéparèrent. Aſſis l’un près de l’autre ſur un gazon émaillé de mille fleurs, trône de l’amour heureux, nos ſoupirs brûlans, des regards enflammés mais triſtes, ſembloient nous préſager le malheur qui alloit interrompre… Que dis-je ? faire diſparoître notre félicité. L’excès d’un ſentiment douloureux, & juſqu’alors inconnu, nous fit répandre des larmes. Notre langue glacée ſe refuſa à l’expreſſion de nos cœurs… Alors te ſerrant dans mes bras, mes larmes t’inondèrent, & les tiennes baignèrent ce ſein palpitant qu’enflammoient tes baiſers. Bientôt le plaiſir fit difparoître la triſteſſe. À peine revenus de notre ivreſſe, au moment où nous faiſions ſuccéder un paiſible entretien à la violence des deſirs ; on accourt… On m’entraîne !

Talens, autrefois ſi chers à mon cœur, talens à qui je dois mon Amant, vous faites à préſent mon ſupplice. Que m’importe à moi la ſûreté de ces hommes durs qui blâment les mouvemens de mon cœur, s’il faut que je verſe des larmes ſur mes ſuccès, ſi mes veilles fréquentes ne