Page:Billardon - Parnasse des dames - tome 3.pdf/204

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
195
Madame Behn.

core le bonheur d’être aimée. Bientôt le preſtige ſe diſſipe, & mes larmes coulent. Si, pour écarter des idées cruelles, je prends l’équerre & le compas, l’Amour, l’impérieux Amour paroît & s’indigne : auſſi-tôt l’équerre & le compas s’échappent de mes mains. Amour ſe venge en redoublant mes tourmens. Toi, qui les cauſe ces tourmens chers & cruels ; le cri de l’Amour déſolé ſe fait-il entendre au fond de ton cœur ? Viens donc m’arracher à des travaux brillans ; mais qui ne peuvent qu’abréger mes jours malheureux, puiſqu’ils nous ſéparent à jamais.

Je n’ai qu’un eſpoir : ces hommes de néant, qu’une Déité aveugle a rendus arbitres du ſort d’un peuple libre, fait pour l’être, ces hommes portent envie à mes foibles talens. Les traits envenimés qu’ils me lancent, charment mon amne. Que l’envie, la calomnie choiſiſſent les plus acérés d’entre leurs dards ; que toutes les Furies y joignent leurs torches ardentes, environnées de ſerpens, je volerai au-devant de leurs atteintes meurtrières ; la mort que je recevrai ſera le commencement d’une exiſtence, toute entière à l’amour. Mon dernier inſtant te ſera conſacré.