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Lectures pour Tous

Messieurs — est arrivé à lire la pensée humaine !

« Ne croyez pas qu’il ne s’agisse que de quelques perfectionnements de méthodes psychologiques quelconques ou de l’observation raisonnée des réflexes nerveux qui accompagnent certaines impressions ; non, Messieurs, Nounlegos est arrivé à lire dans le cerveau humain, sans tenir aucun compte des phénomènes extérieurs, comme nous lisons dans un livre.

« Il a vu, dans le cerveau, les pensées tourbillonner comme l’on peut voir le sang couler dans les artères, comme l’on peut voir les nerfs se contracter sous un contact… oui, il a vu les pensées ; il les a saisies, les a lues, les a notées…

« Son œuvre n’est achevée ; ce qu’il voulait, c’était arriver à les lire à distance, à les enregistrer mécaniquement et à les fixer d’une façon indélébile.

« La mort ne lui a pas permis de trouver la solution complète du vaste problème qu’il s’était posé, mais la voie est toute tracée, d’autres tiendront à honneur de terminer l’œuvre entreprise.

« Ce n’est pas sans une profonde émotion que j’annonce publiquement cette découverte qui place son auteur au premier rang de tous les savants de son siècle, que dis-je ? de tous les siècles !

« Je ne sais ce que penseront les philosophes devant cette perspective d’une humanité si nouvelle où la sincérité — non pas l’apparente, mais la réelle — sera si facilement contrôlable ; beaucoup estimeront sans doute que la vie serait meilleure si l’on laissait intact le voile noir qui sépare la pensée de la parole et des actes…

« D’autres s’enthousiasmeront à l’idée que l’hypocrisie sera désormais démasquée, que l’on pourra toujours connaître les véritables mobiles des actions humaines.

« Mais c’est là, messieurs, l’affaire des philosophes. Laissons-leur le soin d’envisager la découverte à ce point de vue. Pour nous, qui n’aimons que la science, c’est au point de vue scientifique que nous devons essayer d’apercevoir quelques-unes des innombrables conséquences de l’œuvre miraculeuse de Nounlegos.

« Je vous ai déjà dit que la lecture de ce qui se passe dans le cerveau n’a pu être obtenue qu’avec l’aide d’appareils et de dispositifs jusqu’ici inconnus : ces moyens vont permettre de voir et d’examiner à l’aise ce qui se passe dans n’importe quelle partie du corps humain ; nous pourrons suivre, au cours d’une maladie, les diverses altérations des organes, des tissus ; nous pourrons suivre les modifications apportées par tel ou tel médicamentat, tel ou tel traitement, et vous voyez d’ici qu’une thérapeutique nouvelle est à la veille de naître.

« Lorsqu’une intervention chirurgicale sera jugée nécessaire, l’opérateur pourra exercer avec précision, puisqu’il aura vu d’avance le milieu où il agira et qu’il n’aura à craindre aucune surprise.

« Je me borne, Messieurs, à ces quelques remarques ; mais je ne puis me retenir d’ajouter qu’à côté de ces répercussions sur la médecine humaine, sur la moralité, la géniale découverte de Nounlegos, par la connaissance qu’elle permettra des mouvements et transformations des diverses cellules de l’organisme, fera sans doute faire à la science d’inappréciables progrès.

« Aussi vous me permettrez, Messieurs, en votre nom, au nom de tous les savants français et du monde entier, de rendre à la mémoire de Nounlegos le très profond, respectueux et reconnaissant hommage qui lui est dû ! »