Page:Bigot - Nounlegos, 1919.djvu/33

Cette page a été validée par deux contributeurs.
647
Nounlegos

invisible », et le détective américain radieux retraversa l’Océan, sûr que, cette fois, toute la fameuse « Bande invisible » tomberait en son pouvoir.

Si le lecteur désire connaître l’épilogue de ce drame, qu’il sache que Charfland, condamné à mort, payait sa dette trois mois après la reconstitution du crime.

Presque en même temps, M. de Landré, profitant d’une promotion exceptionnelle, obtenait un siège de conseiller à la Cour d’appel ; c’étaient les remerciements du Gouvernement, qui, grâce à lui, avait pu répondre victorieusement à une interpellation déposée depuis longtemps sur la « mauvaise administration de la Justice ». Cette interpellation, quoique conçue en termes généraux, ne visait, au fond, que l’affaire Charfland, mais la généralité même de ses termes avait obligé son auteur à la discuter. Au fond l’interpellateur ne visait qu’à un scandale capable d’ouvrir une crise ministérielle. L’affaire Charfland écartée par les aveux du coupable, il ne restait que des broutilles dont le garde des Sceaux avait eu vite fait de se débarrasser. Retournant alors contre ses adversaires l’arme dont ils avaient voulu se servir, le ministre avait exposé le travail formidable accompli par la Justice pour arriver à confondre l’unique coupable d’un drame effroyable, exécuté dans des conditions tellement mystérieuses qu’il avait fallu un véritable génie et un labeur énorme pour faire jaillir la vérité !

SUPRÊME HOMMAGE

Une dizaine d’années après la clôture de l’affaire Charfland, une séance exceptionnelle réunissait les membres de l’Académie des sciences et de l’Académie de médecine ; la convocation, libellée comme suit : « Communication de MM. Chasselan et Lavrille sur la vie et les travaux de Nounlegos », portait une annotation soulignée : Importance exceptionnelle.

C’est dire que la salle de réunion était pleine. Les académiciens, un peu intrigués, se demandaient qui était ce Nounlegos inconnu d’eux.

Le président de la séance, le plus ancien académicien des deux présidents en exercice, prononça le discours suivant :

« Mes chers confrères,

« Il y a environ deux ans, l’Académie des sciences et l’Académie de médecine étaient informées par un notaire de Bondy, qu’un M. Nounlegos, décédé depuis peu, avait institué les dites Académies, conjointement, comme ses légatrices universelles ; il nous faisait les héritiers de sa fortune, dont il nous laissait libre disposition, de ses instruments d’études et de tous ses travaux.

« Nos services administratifs, après avoir fait le nécessaire, entrèrent en possession d’une certaine somme, grevée seulement d’une rente viagère en faveur d’une vieille domestique, et d’un laboratoire merveilleusement agencé, muni d’appareils ne rappelant que de bien loin ceux dont nous sommes habitués à nous servir. Nos collègues, MM. Chasselan et Lavrille, furent chargés de l’inventaire.

« Dès leur première visite au domicile du défunt, leur attention fut attirée par une série de gros volumes à reliure épaisse ne portant, sur le dos, que des numéros d’ordre ; ces registres, tous manuscrits, émaillés de nombreux croquis et calculs, portaient comme en-tête L’œuvre de Nounlegos.

« Il fallut, à nos délégués, une année pour en prendre connaissance, plusieurs mois pour vérifier par eux-mêmes quelques-uns des résultats annoncés, ce qui explique le retard apporté à la communication qui va vous être faite.

« Nous pensions, Messieurs, être au courant des recherches d’ordre vraiment supérieur que les savants du monde entier poursuivent sans relâche, pour faire participer la science au plus grand bonheur de l’humanité ; nous croyions connaître en particulier — car nous les suivions étape par étape à toutes nos réunions — les études faites sur notre chère terre de France ; nous nous y intéressions, les encouragions, essayant, par nos discussions, de stimuler le génie qui les ferait aboutir !

« Et nous ne nous doutions pas que, dans un petit pavillon de la banlieue de Paris, un inconnu travaillait, depuis plus de quarante années, à un problème dont l’exposé seul était d’une audace inouïe.

« Cet inconnu, Messieurs, devant qui nous devons nous incliner avec respect, avec vénération, nous allons lui donner, en le révélant au monde, la plus glorieuse immortalité : c’est Nounlegos.

« Oui, Nounlegos, l’homme dont la science fait pâlir toute la nôtre, le modeste qui a abordé seul l’un des côtés les plus troublants de la physiologie, qui a imaginé des appareils inouïs, inventé une méthode et des moyens nouveaux d’examen, dont l’application à d’autres sujets révolutionnera toute la médecine, toute la chirurgie !

« Nounlegos qui — écoutez bien,