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Lectures pour Tous

Comme le nom qu’il avait choisi le laissait à penser, c’est à l’étude du cerveau qu’il s’adonna. Il voulut d’abord éclaircir certains points douteux sur la composition de cet organe et disséqua quantité de têtes humaines qu’il put se procurer à prix d’or.

Certain que rien du cerveau mort ne lui était inconnu, il passa à l’étude du cerveau vivant ; mais là il fut vite arrêté. L’examen du crâne ne pouvait, d’après lui, aboutir à rien ; il connaissait les divers symptômes d’ordre nerveux qui se produisent lorsqu’on excite telle ou telle partie du cerveau d’animaux dont la boîte crânienne a été ouverte ; ce qu’il voulait, c’était, non la relation entre les centres nerveux supérieurs et les divers organes du corps, mais savoir si le phénomène de la pensée était accompagné de phénomènes physiologiques dans le cerveau.

Il arriva vite à la conclusion que cette question ne pouvait être étudiée qu’à condition de voir dans l’intérieur de l’organe à examiner. La question passait donc de la physiologie à la physique ; il osa l’aborder.

Il n’en trouva la solution qu’au bout de quelques années, au moyen d’émissions de deux radio-activités obtenues exclusivement en partant de phénomènes électriques ; ces deux émissions, projetées sous un certain angle, produisaient une sorte de fluorescence qui rendait visible, jusqu’à une distance d’environ trente centimètres, toutes les matières, les organiques comme les minérales. Les ondes émises, sans apporter aucune modification permanente aux atomes et cellules soumis à leur action, les orientaient, les déformaient peut-être en partie, agissaient sans doute sur leur indice de réfraction de sorte que ces cellules et atomes passaient par tous les degrés de translucidité et de transparence pour aller jusqu’à l’invisibilité. Par le réglage de ces émissions, des positions respectives de leurs plan d’émission et de l’angle de ces plans, on pouvait obtenir ces divers degrés et déterminer, sur une tranche bien définie, un éclairement permettant un examen détaillé.

Plus tard, des perfectionnements permirent à Nounlegos d’assurer un éclairage uniforme sur une épaisseur égale à celle d’une tête d’homme.

Avec ces appareils, l’examen d’animaux permit au savant de vérifier certaines relations de circonvolutions avec les sensations et les mouvements, et d’en infirmer d’autres.

Mais le vrai problème ne pouvait être étudié que sur un cerveau pensant ; les observations faites, si elles étaient possibles, ne pouvaient avoir de valeur que s’il n’y avait aucun doute sur la pensée à saisir. Nounlegos fut donc amené à cette seule conclusion : « C’est moi-même que je dois examiner. »