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» Et mon chant jaillit de mon cœur. L’écho vivant de ta gloire retentira dans l’avenir. Ma cendre se dissipera, mais les sons argentins retentiront sous le ciel !

» Oh ! non, je ne mourrai pas. Mon chant est une feuille ajoutée à ta couronne de laurier. Je vivrai dans ton immortalité. »

Un petit poème qui a pour nous un intérêt tout particulier est celui qui est adressé à Pierre Loti. On sait que notre éminent confrère professe une tendresse particulière pour l’Orient musulman et particulièrement pour la Turquie. Voici en quels termes Vazov interpellait l’illustre académicien :


À Pierre Loti

Cinq siècles de terreur, de meurtre et de massacre, cinq siècles de sanctuaires engloutis dans la fumée et l’ordure, cinq siècles de terres arrosées d’un sang chaud, de paradis terrestres convertis en déserts.

Cinq siècles de barbarie, de violences sans nombre, voilà ce que le monde doit à ton idole, ô poète ! Tu tresses des couronnes à la peste ; tu chantes des chants au tigre ; tu n’as pas entendu nos gémissements.

Reviens à toi ! Ton hymne brutal et sacrilège, c’est un crachat lancé à Dieu et à l’homme. Et nous, notre épée vole pour mettre fin à une infernale oppression, à la honte noire de notre siècle.

Ce qui nous animera, ce n’est ni l’idée du pillage, ni la méchanceté. Avec notre sang nous traçons une grande épopée ; nous apportons la liberté dans la prison de l’esclave ; nous apportons le saint exploit de Prométhée.

Nous apportons le soleil là où règne une sombre obscurité, dans des foyers maudits où nos frères subissent le joug et toi, le jour où la vie nouvelle exultera dans ces régions, toi tu pleureras sur la tombe du bourreau !