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ne réussirait-elle pas au bien ? D’ailleurs, nous l’avons dit, on avait su comprendre ce qu’était l’action philosophique, lorsqu’il s’était agi de soutenir des tendances agressives, comment l’a-t-on ignoré lorsqu’il eût fallu combattre des tendances perverties ?

Mais ce qu’on n’a pas fait jusqu’ici, il est temps encore de l’entreprendre. Si c’est par les idées plus que par les armes que se fondent, chez les sociétés civilisées, les prééminences nationales, si la vie intellectuelle est pour un peuple la véritable sauvegarde de sa prospérité, de sa puissance et de sa grandeur, il est temps de confier à la philosophie une tâche à laquelle les nouveaux développemens de la société française la convient impérieusement. En effet, la philosophie ne s’est montrée en France dans les derniers siècles que sous deux formes opposées ; au sein des écoles elle a construit des systèmes, dans la vie publique elle s’est popularisée par un esprit de critique et de destruction. Elle a été tour à tour aristocratique et anarchique, absolue et révolutionnaire ; elle a successivement édifié dans le domaine de la science pure et bouleversé avec quelques idées les institutions, les coutumes et les mœurs. C’est de ce double caractère qu’il faut la dépouiller aujourd’hui ; le premier la priverait de toute influence publique ; le second n’a qu’une valeur passagère, et la destruction demande après elle un travail d’édification et d’affermissement.

La carrière ouverte devant les hommes qui veulent travailler en France à l’avancement de la philosophie, c’est plus que l’œuvre stérile et bornée de l’érudition scientifique ou des spéculations de pure théorie ; c’est la noble tâche de former et d’instruire ceux auxquels est confiée la destinée du pays ; puisque en France on ne naît plus gouvernant, mais qu’on le devient par l’intelligence, c’est