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l’imagination et toutes les capacités créatrices des règles éternelles du beau, et l’avilissent en jetant dans les œuvres des plus grands talens, je ne sais quoi de dépravé qu’on pourrait appeler la prostitution de l’esprit.

Ces traits, que tout observateur sérieux et attentif a dès longtemps reconnus, suffisent pour indiquer sur quels points devait porter l’action extérieure, l’influence sociale de la philosophie. Le but et le mode de son application étaient donnés par les circonstances que nous venons de décrire. Le but c’était de s’opposer à ces tendances perverties, d’édifier là où se trouvaient les ruines, de réhabiliter l’esprit là où dominait la matière, d’ennoblir et de fortifier là où se déployaient la corruption et l’impuissance. Il fallait se liguer contre un mal facile à prévoir, et ne pas redouter une lutte dans laquelle les revers mêmes ne sont ni sans utilité, ni sans gloire. Devant le mouvement, il ne fallait pas demeurer immobile ; et, retiré sur le rivage, attendre dans une contemplation superbe que le fleuve du temps eût cessé de rouler des flots agités. Il fallait profiter de ce mouvement même, s’y lier pour ainsi dire, et découvrir dans ses diverses phases autant d’occasions, autant d’à-propos pour cette action philosophique, pour cette popularisation de la science dont nous avons démontré plus haut l’importance et la nécessité.

Peut-être sommes-nous dans l’illusion, mais il nous semble que lorsqu’on se trouve en présence d’une civilisation assez intelligente pour comprendre le langage d’une saine philosophie, lorsqu’on peut s’adresser à cette portion de la société que son développement intellectuel place, dans une organisation semi-démocratique, à la tête de la vie nationale, il doit monter au cœur de ceux qui sont plus que des philosophes d’apparat, un intime désir de proclamer à voix haute, et avec zèle, quelques-uns de