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pas redoubler au moment où une plus grande liberté de pensée se répandait dans la société, ne fallait-il pas donner au langage des chaires, des journaux, des publications philosophiques, une impulsion nouvelle ; ne devait-on pas en multiplier et en fortifier les organes, lorsque tout concourait à rendre son influence utile et nécessaire ? La publicité qui s’ouvrait de tous côtés pour toutes les idées vraies ou fausses, funestes ou bienfaisantes, absurdes ou éclairées, n’était-elle pas le terrain où devait s’établir la philosophie ; ne lui importait-il pas à elle-même d’y tenir sa place et de s’y défendre contre des tendances qui ne lui étaient pas moins nuisibles qu’à la société tout entière.

Nous ne voulons pas entrer ici dans la longue énumération de tous les élémens corrompus que l’on peut découvrir dans la vie morale de la nation française ; ils existent plus ou moins développés chez chaque peuple, dans tous ils sont en germe ; mais ce que l’on peut remarquer comme propre à la France depuis 1830, c’est un singulier mélange de doute, d’indifférence, de matérialisme pratique, de licence intellectuelle, dont l’existence simultanée forme la plus affligeante combinaison. Le scepticisme implanté dès longtemps dans les esprits avait revêtu un caractère agressif tant que les croyances avaient eu elles-mêmes un caractère d’oppression ; il puise sa vie dans l’antagonisme ; abandonné à lui-même il se change le plus souvent en une indifférence qui n’est au fond que le doute à l’état de quiétude. Sous cette dernière forme il est moins apparent ; ses attaques cessent, mais il demeure dans les intelligences ; il les désintéresse de toute conviction, de toute foi, de toute vie spirituelle ; il étouffe en elles le germe même des sentimens élevés, il ne leur en laisse pas admettre l’existence. Ou bien s’il se révèle parfois