Page:Bibliothèque universelle de Genève-T6, 1836.djvu/244

Cette page a été validée par deux contributeurs.

société, puissent porter atteinte à des persuasions philosophiques et raisonnées, nous croyons seulement qu’elles peuvent conduire à en varier l’expression ; dans les jours d’ébranlement comme dans les temps calmes, on doit demeurer fidèle aux principes de la science, mais on attaquera les esprits et les questions par d’autres faces, on s’adressera à d’autres facultés, on rencontrera dans les intérêts dominans d’autres à-propos, selon que le monde extérieur se trouvera livré au doute ou au fanatisme, à l’exaltation ou au matérialisme, à la contrainte ou à la licence. En un mot, l’application de la philosophie aux nécessités sociales ne doit jamais trouver dans la nature de celles-ci un insurmontable obstacle, mais parfois un motif à changer d’allure et de forme, pour mieux atteindre le but qui lui est donné. Aussi cette tâche exige-t-elle peut-être plus de tact que de génie, plus d’éloquence que d’invention ; plus de sagacité que de profondeur. Envisagée sous le point de vue de son influence extérieure, la philosophie n’est pas tant une initiation qu’une prédication, c’est moins une œuvre savante qu’une mission morale, elle doit moins avoir à cœur de répandre des idées nouvelles, que de rendre celles qui existent nobles, justes et vraies. Le véritable auteur de la philosophie humaine, Socrate, ne la concevait pas autrement.

Si donc l’on doit reconnaître que toujours la philosophie a le devoir et la possibilité d’agir sur les développemens de la vie sociale, et que ce devoir devient encore plus pressant lorsque la nature de ces développemens s’éloigne davantage des principes et des règles qu’elle a pour tâche de proclamer et de défendre, on conviendra que les circonstances qui ont suivi en France la révolution de 1830 ne sauraient justifier la retraite ou le silence des philosophes. En effet, l’action philosophique ne devait-elle