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et des dispositions particulières de la société sur laquelle elle doit s’exercer ; car son succès dépend de l’accord plus ou moins bien entendu entre les circonstances extérieures, les tendances générales, la vie publique et les moyens employés pour y faire pénétrer les principes, les connaissances, les idées, les leçons qu’elle-même regarde comme utiles et salutaires. Ainsi, dans les jours où la société suit les voies de l’ordre et de la régularité, où préoccupée de son bien-être elle peut se livrer sans inquiétude à la poursuite de ses intérêts matériels, où les esprits sont plutôt assoupis qu’égarés, il faudra s’adresser aux facultés endormies, les exciter, appeler leur intérêt sur des questions sérieuses, se livrer à des recherches propres à les éclairer, et jeter dans la société le mouvement philosophique, la vie spirituelle dont elle est dépourvue. En revanche, lorsque l’agitation succède au repos, lorsque des convulsions se font sentir, qu’elles ébranlent toutes les intelligences et mettent en jeu les sentimens désordonnés, les passions mauvaises ou violentes, qu’un esprit de trouble et de vertige se manifeste par de nombreux symptômes, les idées philosophiques doivent se présenter sous une forme nouvelle et parler un langage plus approprié aux émotions du moment ; leur succès dépend de cette accommodation.

Mais, par ce terme, nous n’entendons point l’asservissement de la pensée et des principes philosophiques aux opinions vulgaires, l’adhésion tacite ou avouée pour des tendances à la mode ; nous ne faisons point descendre la philosophie du rang qu’elle doit occuper, et si, pour influer sur la direction des volontés sociales, elle devait faire à celles-ci le sacrifice de ses convictions, son silence serait préférable à son humiliation. Nous ne pensons pas que les variations accidentelles auxquelles est soumise la