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Sans doute l’épreuve est dangereuse et les principes philosophiques absolus se meuvent avec plus de facilité dans le monde purement intellectuel que dans la vie active ; ils ne sortent guère de cette dernière sans avoir reçu plus d’un échec et subi plus d’une atteinte ; ce sont des soldats de parade qui, fort au large sur les plaines d’exercice, ne savent ni supporter les chocs, ni s’accoutumer aux hasards des champs de bataille. Mais c’est précisément là ce qui confirme notre thèse, et ce qui montre que toute philosophie a autre chose à considérer que de pures abstractions ; il nous semble qu’une philosophie impraticable est par cela seul jugée, qu’un système qui ne peut s’appliquer aux nécessités de notre monde est par cela seul condamné, car encore une fois ce qui a l’homme pour but, doit pouvoir agir sur l’homme. Nous ne croyons pas qu’il faille restreindre à la création de belles impossibilités le rôle de la philosophie, et nous serions pour jeter au rebut toutes ces philosophies dont l’enseignement revient à dire : voilà ce que vous devez penser, ce que vous devez faire, ce que vous devez espérer, à condition, cependant, de ne jamais introduire dans la vie ordinaire ces pensées, ces actions et ces espérances. Ne serait-ce pas le comble de l’absurde de vouloir retenir dans le champ des spéculations la science qui peut rectifier les idées, bannir les préjugés, régler les passions, ennoblir les sentimens, sous l’action desquels se développent nécessairement tous les événemens, toutes les circonstances de notre existence terrestre ? On ne peut examiner sérieusement ce sujet sans demeurer convaincu que toute vraie philosophie ne peut se passer de l’application au monde réel.

Il en résulte que pour réussir dans cette application, il faut nécessairement qu’elle tienne compte de la physionomie