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l’état d’ébranlement, d’incertitude, de désordre où se trouvent nécessairement les esprits à la suite d’une crise révolutionnaire, l’importance qu’acquièrent dans les momens où tout semble se remettre en question, les intérêts positifs et matériels, le peu de calme et de repos que possèdent des esprits incessamment inquiets sur ce qui les touche de plus près, on sentira que le philosophe et ses leçons auraient eu peut-être quelque difficulté à se faire entendre au-dessus des conflits, des inquiétudes, des passions, des craintes, des désirs qui fermentent et bouillonnent au milieu de la société dans ses jours d’agitation et de tremblement.

Aussi, lorsqu’on envisage sous ce nouvel aspect la position que devait prendre la philosophie, il semble qu’on ne peut lui faire un reproche de s’être tenue à l’écart, et que nous avons été trop loin en voulant la mettre aux prises avec les conséquences funestes de la révolution. Mais, indépendamment des raisons qui nous auraient fait envisager cette conduite comme un devoir, il en est d’autres qui, selon nous, ne la laissent pas regarder comme impossible.

Si l’on doit admettre que les circonstances étaient défavorables à la philosophie, c’est en prenant ce dernier terme dans le sens purement scientifique, en l’appliquant uniquement à l’étude sérieuse et approfondie de l’intelligence humaine, à ces investigations laborieuses ou à ces inspirations révélatrices, qui réclament il est vrai la concentration, le calme et la paix. Nous savons qu’il est difficile, au milieu de la perturbation sociale, de recueillir en silence ses observations et ses pensées, de replier sur elle-même une âme que tout sollicite à se porter au dehors, d’analyser les faits de conscience, les mobiles du devoir, les penchans du cœur, quand, dans le monde extérieur,