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Toutefois nous ne voudrions rien exagérer, et nous craindrions de commettre une injustice en faisant peser sur les hommes dont nous venons de parler une exclusive accusation. Nous savons, qu’en envisageant la question sous un autre point de vue, on peut dire que la retraite et le silence des uns trouve en partie sa justification dans l’indifférence et l’abandon des autres ; que les disciples ont fait défaut à leurs maîtres avant peut-être que ceux-ci songeassent à quitter leurs élèves, en sorte que l’ambition n’a été chez eux que le résultat du découragement. Il est bien certain, en effet, que la révolution une fois accomplie, son résultat le plus immédiat a été d’offrir des issues toutes nouvelles à une foule de jeunes esprits qui, jusqu’alors, avaient inspiré plus de défiance qu’ils n’avaient reçu d’encouragemens ; les carrières avantageuses se sont multipliées, les difficultés se sont aplanies, ceux qui avaient pris part à l’attaque ont cherché à jouir de la victoire. Cette tendance générale a tout aussitôt rendu les esprits d’une certaine portée moins disposés à étudier leur intelligence qu’à la mettre au service de leurs intérêts et de leur avancement, moins désireux de scruter scientifiquement les mystères de l’âme et des faits de conscience, que de profiter d’une organisation sociale qui ouvre la porte du succès à toutes les capacités distinguées, et de se procurer par l’emploi immédiat et actif de leurs facultés une position utile ou brillante. La jeunesse n’a plus envisagé l’étude de la philosophie que comme un inutile temps d’arrêt ; sa grande affaire à elle, c’est de prendre sa place dans la société, et cette place, c’est par du talent et un talent pratique qu’on peut la gagner : en France, il importe moins de bien penser que d’habilement agir.

Si l’on ajoute à cette disposition singulièrement peu favorable à la culture des sciences philosophiques,