devenue le but de leurs efforts et de leurs vœux ; abandonnant, pour un temps, faut-il dire, ou pour toujours, celle qu’ils avaient commencée avec éclat, ils ont, comme le gladiateur, déposé leurs armes dans le temple pour courir vers d’autres succès.
Placés jusqu’alors en dehors de la vie active, ils avaient cherché dans la science des ressources en attendant mieux ; philosophes par interim, ils étaient probablement résignés d’avance à faire aux dignités et aux emplois le sacrifice de leur position intellectuelle, ou bien s’imaginant peut-être que les succès qu’ils avaient dus à de favorables circonstances disparaîtraient au milieu de conjonctures toutes nouvelles, ils ont eu l’instinct de cette coquetterie qui règle si souvent les démarches de l’homme d’esprit, et sages à propos, ils ont abandonné le monde lorsque le monde allait les quitter.
Et cependant il leur restait une belle tâche à remplir, une noble mission à poursuivre. Que n’en ont-ils eu le sentiment et le courage ! Ils en avaient le talent.
Profitant d’une position toute faite, ils auraient pu se placer à la hauteur de l’œuvre dont leur conscience devait, à ce qu’il nous semble, leur imposer l’obligation. Après avoir entraîné dans la carrière de la libre pensée et de l’indépendance philosophique des esprits auxquels ils offraient peut-être trop promptement des armes, ils auraient dû se sentir moralement contraints de régler, de diriger, de contenir l’impulsion qu’ils avaient donnée. Ils devaient comprendre que le mouvement dont ils étaient les auteurs ne s’arrêterait pas comme eux, et qu’il menaçait de s’égarer et de se perdre dans les voies de la licence et de la débauche intellectuelles. Cette menace s’est réalisée, et chacun sait où se sont précipitées ces intelligences trop brusquement affranchies.