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Si l’on prend garde aux caractères de cette tendance philosophique qui se manifesta avec tant d’entraînement dans les dernières années de la restauration, et à l’opposition secrète ou avouée qui s’exerçait par mille moyens divers contre les opinions politiques et religieuses du pouvoir et de la noblesse, on ne peut méconnaître la connexité qui existe entre la révolution et ce mouvement intellectuel, où la science de l’esprit humain tenait sa place à côté d’autres enseignemens non moins importans. Qu’à cette époque, où la résistance se transformait de toutes parts en attaque, la philosophie fût un moyen d’agression plutôt que le but d’études désintéressées, que l’on travaillât à affranchir les intelligences pour entretenir le mécontentement contre l’ordre établi, que l’on conspirât avec la philosophie comme on conspirait avec l’histoire[1], c’est sur quoi, selon nous, on ne peut plus avoir aucun doute.

Mais il semble que puisque la philosophie avait concouru pour sa part à l’œuvre révolutionnaire, celle-ci devait lui être utile, que puisqu’elle avait travaillé à l’émancipation, elle serait, une des premières, appelée à en profiter, que chefs et disciples, non contens d’avoir servi de satellites dans la lutte, se hâteraient de s’emparer d’une place honorable dans le pays conquis pour y poursuivre avec ardeur leurs travaux et leurs recherches. Un champ libre leur était désormais ouvert ; ils allaient sans doute continuer leur œuvre, et ne pas s’arrêter alors que les obstacles qu’ils avaient voulu renverser tombaient devant eux. Le contraire est précisément arrivé, et l’on a vu les chefs du mouvement philosophique entrer tout à coup dans une carrière qui, fermée auparavant pour eux, semblait être

  1. Voy. Bibl. Univ. Juillet 1836, p. 17.