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ments nouveaux et des observations critiques, c’est d’abord toute une série de détails relatifs à Charles de France, à son adolescence, à sa formation, à ses goûts, à son caractère. Il prouve que Charles VII, et non Louis XI, avait fait le prince duc de Berry. Il expose, par le menu, tous les pourparlers de mariage entamés autour du prince, depuis sa douzième année : Marguerite, fille de Guillaume de Saxe ; Blanche, fille de Jean II d’Aragon ; Isabelle, sœur d’Henri IV de Castille ; Jeanne, fille de ce prince ; Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire ; Éléonore de Foix et peut-être même Anne, propre fille de Louis XI, et qui devait devenir dame de Beaujeu. Au total, sept fiancées pour un prince qui devait mourir célibataire. Les inquiétudes de Louis XI ne furent jamais entièrement calmées au sujet de l’union de son frère avec Marie de Bourgogne. « Il n’estoit point de merveille, s’il [Louis XI] en avoit crainte, observe Commines, car son frère eust esté bien grand, si ce mariage eust esté fait. » Et M. Stein nous énumère tous les moyens employés par le roi pour éloigner de lui ce calice.

Il en est un autre dont se chargea le mauvais destin de Charles de France : ce fut le terrible mal dont mourut le prince et, cinq mois avant lui, sa maîtresse, Colette de Chambes : la syphilis, qui n’avait pas besoin des guerres d’Italie pour commencer ses ravages en France. Une maladie de langueur, d’origine tuberculeuse, compliquait les tares vénériennes chez le malheureux prince. La légende d’un empoisonnement par une pêche doit être définitivement écartée. Enfin, entre toutes les dates proposées pour le décès, c’est celle du 24 mai 1472 qui doit être adoptée. Charles mourut à Bordeaux, au château du Hâ.

Ces précisions ont sans doute leur intérêt ; mais cet intérêt peut sembler assez mince, à côté de quelques conclusions générales d’une bien autre portée : Louis XI n’eut jamais de tendresse pour son frère. Il se souvenait que Charles VII avait pu songer à l’écarter du trône, au profit de Charles de France. Il accueillait, sans tristesse, les pires nouvelles sur la santé de ce prince. Au début de 1469, on lui prêta de bien dures paroles : « J’ay un frère qui me fait beaucoup de mal ; pleust à Dieu qu’il fust mort et que je n’en eusse point ! » De ces deux frères ennemis, lequel eut plus de torts ? M. Stein ne se prononce pas, mais il laisse entendre que les responsabilités du roi sont lourdes. On sait qu’à son lit de mort Louis XI se repentira des fautes par lui commises au début de son règne. Et nous pensons que M. Stein aurait pu souligner davantage que la plupart de ces fautes vinrent de l’impatience incoercible du roi. Il n’avait pas la notion du temps et il brusquait tout.

Il fut, au total, beaucoup plus heureux que sage ; il avait à combattre une coalition qui, comme toute coalition, n’était pas homogène : François II et Charles le Téméraire se jalousaient. Comparé à chacun d’eux, Charles de France était peu de chose. Bien plus que Charles,