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jamais longtemps à qui son destin lui commandait de se livrer : il oscillait sans cesse (p. 264), même dans les moments les plus graves. Il n’hésitait jamais à être indécis. François II de Bretagne, Charles de Bourgogne, Gilbert de Chabannes, Odet d’Aydie, sans même parler de Colette de Chambes, jouaient de lui, de la qualité de son rang, de la médiocrité de son esprit et des faiblesses de sa volonté.

Aucune personnalité chez ce prince ; il est un reflet. Et voilà tout justement pourquoi il était intéressant de l’observer de près. C’est autour de lui qu’il faut se placer pour apercevoir quelques-unes des dernières résistances aux progrès envahissants de l’absolutisme royal ; la guerre du Bien-Public n’est qu’une crise de cette maladie chronique qui avait provoqué la Praguerie et qui provoquera la Guerre folle. Par suite, cette monographie se hausse jusqu’à l’histoire générale. Et d’autant mieux qu’elle conduit à examiner les institutions d’un apanage, précisément à une heure où l’apanage bourguignon risquait d’être fatal au royaume de France.

Cette étude était donc tout à la fois bien limitée, quant à elle, et ouverte sur les principales questions du temps. La difficulté était de rassembler des documents très éparpillés. Or, un des plus grands mérites de l’auteur c’est d’y avoir réussi. M. Stein a exploré les dépôts d’archives de l’étranger : à Londres, à Dinant, à Tournai et à Bruxelles, à Fribourg en Suisse, au Vatican, à Milan, à Turin, à Dresde, à Düsseldorf, à Munich et à Vienne. En France, il ne s’est pas borné à fouiller les cartons, les registres et les collections du palais Soubise et des grandes bibliothèques parisiennes ; il a poursuivi ses recherches dans quatre-vingt-quatre de nos fonds provinciaux, que peu d’érudits connaissent mieux que lui. Pour mener à bien une si longue enquête, il n’a ménagé ni son temps ni sa peine et cela pendant plus de vingt ans ; il nous souvient que, dès 1902, nous avons pu mettre à profit les premiers résultats de cette œuvre.

Le monde savant connaît assez tout ce que la bibliographie doit à M. Stein ; nul ne sera surpris en constatant ici tout ce que M. Stein doit à la bibliographie. Et ce n’est pas seulement, bien entendu, aux travaux de MM. J. Vaesen, B. de Mandrot, Samaran, H. Courteault, J. Calmette, que l’auteur a eu recours, mais aux brochures ou articles les mieux dissimulés et dont les revues locales voilent trop souvent ou l’intérêt ou le mérite.

À pénétrer ainsi dans les arcanes de nos vieilles provinces, M. Stein a gagné de vivre de la vie de ses personnages, de s’initier à leurs origines, à leurs familles, à leur fortune. Quiconque s’occupera désormais de notre histoire nationale, entre 1461 et 1473, devra recourir à ce livre et le feuilleter sans cesse : il en sera presque toujours récompensé.

Ce que M. Stein nous semble avoir le mieux établi, par des docu-