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contradiction avec lui-même. À lire sa dernière lettre, — celle du 1er  mars, — il aurait écrit dès le 21 février de surseoir à tous les préparatifs faits pour le secourir. Or, à cette date, il mandait, au contraire, de continuer les armements commencés, sans avoir égard aux négociations ouvertes avec la cour de France.

Le cardinal de Boulogne, si empressé à communiquer au duc de Lancastre une nouvelle désagréable, avait eu, au moins en apparence, un autre motif de lui écrire. Il l’informait qu’il serait en personne à la « journée » ou conférence, ordonnée par le roi de France pour traiter du renouvellement de la trêve qui était sur le point d’expirer[1]. Mais l’heureux négociateur de Mantes ne s’était point fait faute d’insister sur un succès diplomatique, dû à son habileté, et qui contrariait si fort les projets des Anglais. Le « pertuis » par où ils avaient espéré se glisser en France se trouvant « étoupé », c’est-à-dire bouché, il fallait chercher une autre voie pour pénétrer au cœur du royaume. Le duc convenait de bonne grâce que de ce côté il n’y avait plus rien à tenter, mais les Anglais sauraient bien découvrir un autre passage, et il rappelait le dicton populaire : « Souris qui n’a qu’un pertuis est souvent en péril[2]. »

Le cardinal, qui se piquait d’être, lui aussi, homme d’esprit, voulut avoir le dernier mot. Dans une lettre écrite quelques semaines plus tard (8 avril)[3], il feignit de comprendre à merveille le sentiment qui avait porté le duc de Lancastre à offrir ses bons offices et son appui au roi de Navarre. Assurément, Lancastre trouverait des amis aussi empressés et aussi dévoués s’il lui arrivait, quelque jour, de faire mourir l’un des amis les plus chers du roi d’Angleterre. Il était libre d’en faire l’essai. La plaisanterie eût pu être plus légère. Relevant l’allusion à la souris qui doit connaître plusieurs « pertuis » sous peine d’être en péril, il se borna à répondre que tous les passages donnant accès dans le royaume étaient bien gardés. Au demeurant, il regrettait fort que

  1. Il s’agit de la conférence, ou plutôt des conférences de Guines, qui aboutirent au renouvellement de la trêve pour un an (6 avril 1354). Voy. Rymer, Record édition, III, p. 276-277 : « De treugis cum Francia a data præsentium ad primum diem Aprilis proximo anno, duraturis. » — « Comme nous eions esté assemblez par pluseurs journées par devant Reverent Pière en Dieu, Monsieur Guy de Boloigne, cardinal de Pors et mediatour entre nous en ceste partie, etc. »
  2. Pièces justif., no  VII.
  3. Kervyn de Lettenhove, op. cit., p. 360-361.