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faveur avec beaucoup de zèle, du cardinal de Boulogne comme des autres conseillers de Jean II, du roi de France lui-même, en qui il avait trouvé « toute raison ». Le meurtre du connétable était pardonné. Tout ce qu’il avait jamais réclamé, il l’obtenait. En Normandie, particulièrement, sa situation devenait très forte, par la cession de près d’une moitié du Cotentin. Pouvait-il refuser « raison du roi », puisque celui-ci « la lui offrait » ? Dès lors, tous les préparatifs faits pour lui venir en aide devaient être contremandés. Sa reconnaissance était grande envers le duc de Lancastre, dont, à l’occasion, il servirait les intérêts de tout son pouvoir et avec un égal dévouement. Il terminait par un avertissement où l’on a quelque peine à ne pas sentir une pointe d’ironie. Comme il ne voulait à aucun prix que les Anglais souffrissent de dommage à cause de lui, il faisait savoir au duc que « les ports, spécialement ceux où les gens de monseigneur supposaient que les Anglais penseraient mieux descendre, étaient de nouvel bien grossement garnis et renforcés de vaisseaux et de gens ».

Le lendemain, 2 mars, il écrivait au roi d’Angleterre, pour le même objet, une lettre beaucoup plus courte, plus sèche, qu’il suffit d’indiquer[1].

Le traité de Mantes était un échec pour l’amour-propre des Anglais. Nous ignorons quelle fut l’impression d’Édouard III, mais le duc de Lancastre en éprouva une mortification assez sensible. Il reste de lui deux lettres fort significatives, écrites peu après l’événement, et, quoiqu’il affecte de s’y montrer beau joueur, il ne parvient pas à dissimuler complètement son dépit.

Dans sa réponse au roi de Navarre (13 mars)[2], il témoigna, non sans vivacité, la surprise que lui avait causée un dénouement si contraire à ses prévisions et qu’il avait connu de bonne heure par une autre voie. Le cardinal de Boulogne avait été le premier à lui annoncer (10 mars) le succès des négociations auxquelles il avait eu la plus grande part[3]. Rien, dans les déclarations antérieures de Charles, ne permettait de supposer qu’il fût à la veille de se réconcilier avec son beau-père. Le duc de Lancastre ne manquait pas à ce propos de mettre le Navarrais en

  1. Kervyn de Lettenhove, op. cit., p. 359-360.
  2. Pièces justif., no  VI.
  3. Ibid.