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fort belle et aurait été extrêmement utile à la jeune Université de Lille, a été léguée aux étudiants en Sorbonne, qui n’en avaient pas besoin. Quant à sa petite fortune, il en a enrichi la caisse de prêt d’honneur de l’Université de Paris. Ce n’est pas d’ailleurs que les étudiants lillois aient aucunement le droit de se plaindre de lui ; il se souvenait de ses pénibles débuts et facilitait volontiers ceux des autres. Enfin, s’il était bourru et irritable, si son caractère avait des aspects déplaisants, il était juste et savait reconnaître ses torts. Aussi bien, sa brusquerie s’était beaucoup atténuée depuis quelque temps, et il avait fini par comprendre que la sincérité peut s’allier au respect des convictions d’autrui. Libre-penseur, il avait des élèves ecclésiastiques qui lui étaient fort attachés et l’ont vivement regretté. Il était méconnu surtout des gens qui ne le connaissaient pas. À le fréquenter, on sentait en lui un amour profond de la vérité et de la science, un désintéressement absolu ; cette existence de « bénédictin laïque » n’a pas manqué de véritable noblesse.

À quarante-sept ans, cet homme, taillé en hercule, a été, en quelques jours, terrassé par la mort. Consumée en un prodigieux labeur, sa vie avait été épuisante et n’avait connu ni repos, ni détente, ni sourire. Jusqu’à la fin, il a appliqué la devise qui termine son testament : Laboremus. Dernier trait qui achève de peindre l’homme, il a voulu que son corps fût jeté dans la fosse commune, sans cérémonie d’aucune sorte, sans discours, sans fleurs. Il désirait même que ses collègues ne fissent pas escorte à ses dépouilles ; selon lui, ils pouvaient « mieux employer leur temps ; » sur ce point seulement, on a transgressé ses dernières volontés.

Flammermont est mort comme il a vécu, avec rudesse, stoïquement, sans autre espoir et sans autre consolation que la pensée de laisser une œuvre scientifique abondante, probe et durable.


Charles Petit-Dutaillis.


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