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de reconnaître qu’après avoir fait les premiers pas Charles le Mauvais cherchait à se dérober, se souciant peu de préciser les conditions d’une alliance dont il n’attendait plus aucun avantage.

Les envoyés du roi de Navarre le retrouvèrent à Mantes, où se poursuivaient, depuis quelques jours, les négociations qui devaient aboutir au traité du 22 février. Elles étaient même assez avancées au moment du retour des quatre commissaires envoyés à Bruges, c’est-à-dire vers le 10 ou le 12 février. Le vendredi 21 février, — la veille de la signature du traité, — Charles le Mauvais dépêcha au duc de Lancastre deux valets à cheval pour lui dire de différer jusqu’à dix jours après les Brandons, — soit jusqu’au 12 mars, — toute intervention armée en sa faveur. Ce délai s’imposait, les négociations en cours devant le retenir à Mantes plus longtemps qu’il ne l’avait présumé[1].

Il est à remarquer que c’est le roi de Navarre lui-même qui, dans une lettre écrite peu après, résume ainsi, à sa façon, les termes du message[2] ; mais, même en admettant cette version, la plus favorable pour lui, un simple rapprochement de dates suffit à faire éclater sa duplicité. Le traité avec le roi de France devant être signé le lendemain, une entente avec les Anglais n’avait plus de raison d’être, et il eût été loyal de ne pas prolonger l’équivoque. Mais, en réalité, et comme le duc de Lancastre le lui reprochera plus tard, le Navarrais avait poussé la dissimulation beaucoup plus loin et tenu un langage bien différent[3].

L’œuvre des négociateurs était achevée depuis une semaine au moins, lorsque Charles le Mauvais prit de nouveau la plume, — le 1er  mars, — pour informer le duc de la conclusion de la paix[4]. Il se louait de tout le monde : des deux reines, — Jeanne, sa tante, et Blanche, sa sœur, — qui s’étaient entremises en sa

    car c’est seulement en Angleterre que le duc de Lancastre pouvait trouver ces 200 hommes d’armes et ces 500 archers.

  1. Pièces justif., no  V.
  2. Ibid.
  3. Nous n’en sommes pas réduits sur ce point à des conjectures, car cette lettre du 21 février doit être celle qui est conservée dans le manuscrit Cottonien et publiée par Kervyn (p. 358-359), sous la date du 26 février. Quelle que fût la fourberie du roi de Navarre, il n’aurait jamais pu écrire une semblable lettre quatre jours après la conclusion du traité.
  4. Pièces justif., no  V.