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« assiettes » ou assignations réclamées depuis longtemps, et enfin pour accorder des lettres de grâce à l’instigateur du meurtre de Charles d’Espagne, comme à tous ceux qui y avaient participé[1]. Évidemment, il avait fallu les raisons les plus graves pour décider le roi de France à accepter un véritable renversement des rôles. S’il se résigna à des concessions aussi pénibles et aussi humiliantes, que son gendre pouvait à certains égards considérer comme une réparation, c’est qu’il y fut poussé par ses conseillers habituels. L’appel adressé aux Anglais par le roi de Navarre n’était resté un secret pour personne ; peut-être avait-il eu soin de divulguer lui-même cette démarche, où le calcul aurait eu la plus grande part et qu’il faudrait se garder de prendre pour un coup de désespoir. Le sentiment général, en France, était qu’une alliance entre Édouard III et le Navarrais mettrait le royaume en péril et que rien ne devait coûter pour rompre cet accord. Jean II se laissa persuader.

Charles le Mauvais comptait assez d’amis ou de complices à la cour de France pour ne rien ignorer de ce qui l’intéressait. Dès la fin de janvier, il savait que le roi ne se montrerait pas intraitable. N’ayant plus à redouter un éclat soudain de la vengeance royale, il est possible qu’il ait mis peu de hâte à faire partir les messagers attendus par le duc de Lancastre. Les lettres de créance pour le chancelier de Navarre, Thomas de Ladit[2], et pour Friquet de Fricamps sont datées du 31 janvier[3]. C’est par un interrogatoire que subit en 1356 ce même Fricamps, pendant sa détention au Châtelet de Paris, que nous connaissons les détails du voyage de Bruges[4], auquel prirent part également deux autres familiers de Charles le Mauvais, Pierre de la Tannerie et Jean de Bantelu[5].

  1. Secousse, Recueil, p. 27-32 (8 février 1354).
  2. Thomas de Ladit, chantre de Chartres ; arrêté à Paris, après la mort de Marcel, et massacré par la populace, le 12 septembre 1358, au moment où il était transféré de la prison du Palais dans celle de l’évêque. (Grandes Chron., VI, 140.)
  3. Pièces justif., no  IV.
  4. Secousse, Recueil, p. 53.
  5. Jean de Bantelu (Bantalu, Banthelu), écuyer, fut arrêté à Rouen, en même temps que le roi de Navarre, et enfermé au Châtelet de Paris avec Fr. de Fricamps. (Grandes Chron., VI, 27.) Il figure sur la liste des partisans du roi de Navarre qui obtinrent, en 1360, des lettres de rémission. — Pierre de la Tannerie est sans doute le même que « Mess. Pierre de la Tavernie », mentionné