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possible d’hommes d’armes et d’archers, pour être en mesure d’agir dès qu’il en serait requis.

Huit jours après (18 janvier), et sans attendre la réponse à ses premières lettres, Charles le Mauvais revint à la charge[1], insistant sur le péril qu’il courait, bien qu’il fût de taille à se défendre contre les agressions de ses adversaires et à leur causer un dommage irréparable[2]. Il avait de « beaux et bons » châteaux, notamment en Normandie, et tous les nobles de cette province s’étaient déclarés pour lui, « à la vie et à la mort[3] ». Il ajoutait que le roi de France, toujours aussi courroucé contre son gendre, lui ayant fait demander s’il avouait le meurtre du connétable, il avait assumé toute la responsabilité de cet acte : « Je l’ai avoué pleinement, disant que je en ma personne y ai esté et l’ai fait faire, et ce est vérité. »

En se jetant dans les bras des Anglais, Charles le Mauvais allait au-devant de leurs désirs, car depuis longtemps ils guettaient l’occasion de rompre, dans des conditions favorables pour eux, les trêves si souvent renouvelées, qui, sans aboutir à une paix définitive, s’opposaient à la reprise des hostilités. On ignore les termes de la réponse, favorable à coup sûr, faite par le Conseil d’Édouard III aux ouvertures du Navarrais, mais on sait comment elles furent reçues par le duc de Lancastre, que, peu de jours après, le roi d’Angleterre « chargeait de conduire les négociations en son nom[4] ». Il semblait que ces négociations dussent aboutir à une « ligue perpétuelle[5] » ; un brusque changement d’attitude de Charles le Mauvais permit à peine de les ébaucher.

Au début de l’année 1354, le duc de Lancastre se trouvait à Malines, dans le Brabant, où, suivant les instructions d’Édouard III, il s’employait à rétablir une « bonne paix » entre la comtesse de

  1. Lettres à Édouard III (Kervyn de Lettenhove, loc. cit.) et au duc de Lancastre (la seconde inédite, mais peu différente de celle qui était adressée au roi. Voy. Pièces justif., no  II).
  2. Lettre à Édouard III : «… et certes, s’il commence (le roi de France), je lui porterai tiel damage qu’il ne l’amendera jamais. »
  3. Ibid. : « Et si ay de beaus et bons chateux en Normandie, et ailleurs, fort bien garnis et bien apparaillés… Et, très chier cousin, veuilliés savoir que tous les nobles de Normandie sont passés ovesque moi à mort et à vie… »
  4. Rymer, III, 1a p., Record edit., p. 271. — 26 janvier 1354 : « De potestate (data duci Lancastriæ) tractandi super ligis perpetuis cum Rege Navarræ. »
  5. Voy. la note précédente.