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et la clarté dans ce chaos. Il a su résumer et vulgariser sous une forme nouvelle tous les travaux qui avaient eu pour objet la littérature épique de la France ; il a complété ces travaux par le résultat de ses propres recherches. En publiant cet important ouvrage, Léon Gautier a su séduire et entraîner beaucoup d’esprits curieux qui, pour entrer dans l’étude de notre littérature nationale, avaient besoin d’y être introduits par un initiateur convaincu et passionné. À deux reprises, notre Académie lui en témoigna toute sa satisfaction : elle lui accorda le second prix Gobert pour le tome Ier et pour la première partie du tome II ; en 1868, elle lui décerna le grand prix Gobert après la publication du tome III. Elle lui tendait déjà les mains.

« Mais ce qui a rendu le nom de Léon Gautier presque populaire, c’est le texte définitif qu’il a donné de la Chanson de Roland. Sa connaissance approfondie de nos chansons de geste et de leur destinée, ses beaux travaux sur nos épopées nationales le désignaient pour accomplir cette tâche. Il lui appartenait de faire entrer pour ainsi dire dans le domaine public un monument qui représente avec une réelle supériorité cette littérature épique qui s’est produite avec tant de fécondité dans la France du moyen âge, et, par la France, dans l’Europe entière. Déjà bien des éditions en langage moderne en avaient été publiées. Mais il y avait encore quelque chose à ajouter pour en compléter l’étude, pour en faciliter et pour en répandre la connaissance. Grâce à lui, le chef-d’œuvre épique du xie siècle, connu pendant longtemps des seuls érudits et de quelques curieux, est aujourd’hui étudié dans nos écoles ; les gens du monde peuvent le lire ; le vieux français a conquis sa place dans les programmes classiques. Plus de vingt-cinq éditions attestent le succès toujours croissant de la Chanson de Roland, que Léon Gautier, dans son enthousiasme, plaçait à côté de l’Iliade, peut-être avec un peu d’exagération.

« L’Académie des inscriptions et belles-lettres récompensa ce grand labeur et ces efforts en 1873 par le second prix Gobert ; l’Académie française, en 1875, accorda au même ouvrage le prix triennal fondé par M.  Guizot.

« Comme suite et complément de ses précédents travaux, Léon Gautier fit paraître en 1884 une étude des mœurs du moyen âge d’après les documents poétiques ; il l’intitula la Chevalerie. L’institution même est peinte, dans ce beau livre, en faisant vivre à nos yeux un de ses représentants ; la chevalerie est résumée tout entière dans l’histoire d’un chevalier. Depuis la naissance jusqu’à la mort, chaque épisode de la vie du chevalier donne lieu à des éclaircissements nombreux et sûrs, à une foule de détails précieux empruntés aux textes que Gautier connaissait si bien. Un souffle de sincérité anime cette peinture de la vie du moyen âge ; la délicatesse et l’élévation des pensées y dominent ; un style net et coloré, d’une originalité particulière, y rehausse l’abondance de l’éru-