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bois, » peut-être de buis. Il n’est pas indifférent de le constater ; Klaproth proposait en effet comme étymologie le mot arabe mouassala, « dard. » Et ici, les données de la philologie sont d’autant moins négligeables qu’elles suppléent, en l’état, à l’absence des documents. Leur enchaînement est tel qu’elles constituent presque des certitudes. Dans la rose des vents, qui fut adaptée à la petite machine, le terme de « tramontane » pour désigner le nord rattachait l’invention de la boussole à l’Italie[1] ; le mot « boussole » la localise aux Deux-Siciles, et la marque de la fleur de lis sur la tramontane n’a pu être apposée que dans la partie des Deux-Siciles qui relevait encore, au xive siècle, des princes français de la maison d’Anjou, c’est-à-dire dans le royaume de Naples.

Préciser davantage me paraît imprudent. Nous aurions même des raisons de pencher pour la partie orientale du royaume de Naples plutôt que pour la partie occidentale. Dès 1268, un pèlerin, Pierre de Maricourt, vit, durant le blocus de Lucera, en Pouille, par Charles d’Anjou, deux aiguilles aimantées : l’une oscillait sur l’eau ; l’autre, mobile sur une pointe, avait un limbe divisé en quatre quartiers de 90 degrés et une alidade pour mesurer les angles azimutaux[2]. Ce n’est point la boussole, mais peu s’en faut.

Un siècle plus tard, c’est un autre pèlerin français, un vieux routier des mers du Levant, qui marque la nouvelle étape et donne la description[3] détaillée de la boussole : « En la nave avoit une petite boiste en laquelle avoit une aguille de fer touchée et frotée à la pierre d’aymant ; par la vertu de laquelle, l’aguille avoit tousjours son regart à l’estoille tremontane, par laquelle estoille les bons maronniers congnoissent leur chemin en la mer… et par l’aguille qui est ague à la pointe et grosse au derrière et percée, et est comme en l’aer au mylieu de la boiste… Encores fut dit que dessus la boiste et aguille, en la nave, avoit une lan-

  1. Klaproth, Lettre à M. le baron de Humboldt sur l’invention de la boussole, p. 16. — Le P. T. Pépin, dans une série d’articles sur les Origines de la boussole marine (Études des PP. Jésuites, 5 et 20 août 1897), insiste sur l’origine sicilienne des mots « Lebeccio, greco » de la rose des vents.
  2. Le P. Timoteo Bertelli, Sopra Pietro Peregrino di Maricourt e la sua epistola de magnete, memoria 1a dans Bulletino di bibliografia e di storia delle scienze matematiche e fisiche. Roma, 1868, in-4o, I, p. 1-32. — Comptes-rendus de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 1868, B IV, p. 77.
  3. Philippe de Mézières (1327-1405), le Songe du viel pèlerin, chap. xlv : l’exposition morale et spirituelle de la nave, dans le ms. fr. 9200, fol. 290 vo.