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« Sorti le second de l’École des chartes, en 1860, il avait choisi comme sujet de thèse : De l’autorité historique de Grégoire de Tours. Il cherchait à démontrer, non sans une part d’exagération, — il avait alors vingt ans, — que, à défaut de sources historiques écrites, l’historien des Gaules puisa dans les épopées et dans les légendes. Cette théorie, toute nouvelle alors, souleva de vives protestations. Il est, de nos jours, des savants qui la reprennent. Quoi qu’il en soit, cette première œuvre montra que le jeune archiviste, à ses débuts, était doué d’un esprit indépendant, apte à concevoir des idées personnelles, capable de chercher sa voie en dehors des chemins battus.

« Après un séjour de quelques années à Annecy, où il fut envoyé comme premier archiviste de la Haute-Savoie, récemment annexée à la France, il revint, en 1863, à Paris, aux Archives nationales. Pendant les années qui suivirent il publia, dans la collection de la Société de l’histoire de France, une édition des œuvres complètes de Suger.

« En 1868, parut un de ses meilleurs travaux, une étude sur la Chaire française au moyen âge, spécialement au XIIIe siècle. De longues et patientes recherches, une étude approfondie des documents, des déductions sagement tirées ont permis à l’auteur de traiter largement son sujet. Les prédicateurs du moyen âge ne craignaient pas de dérider, par des anecdotes piquantes, la gravité de la chaire chrétienne ; la peinture des mœurs contemporaines et les personnalités ne les effrayaient guère. Aussi l’étude consciencieuse de notre confrère a pour objet, non seulement les prédicateurs, mais toute la société : gens d’église et moines, nobles et vilains, bourgeois et soldats, femmes de toute condition, écoliers et professeurs, savants et artistes, tous sont pris sur le vif ; c’est un tableau animé et plein d’intérêt de la vie à cette époque.

« L’Académie des inscriptions et belles-lettres, qui avait mis le sujet au concours, en jugea ainsi ; car elle donna le prix à M. Lecoy de la Marche. Le public fut du même avis que l’Académie, et, chose rare pour une œuvre d’érudition, ce livre eut l’honneur d’une seconde édition.

« Après les désastres de la guerre de 1870 et de la Commune, la Société de l’École des chartes décida qu’elle publierait, pour que leur perte, en cas de nouveaux malheurs, ne fût pas irrémédiable, les documents d’archives les plus importants pour notre histoire. Le premier volume de cette série, contenant les Extraits des comptes et mémoriaux du roi René pour servir à l’histoire des arts au XVe siècle, fut édité par M. Lecoy de la Marche. Édifices d’Angers, bâtiments et domaines de l’Anjou, édifices de Provence, travaux divers, objets d’art, meubles et ustensiles, sous ces rubriques, l’éditeur classe et annote une longue série de documents, jetant ainsi la plus vive lumière sur la vie intérieure à la fin du moyen âge, sur l’histoire des arts et du mobilier,