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française au moyen âge, qui fut couronné par l’Académie des inscriptions et belles-lettres et qui restera comme son œuvre la plus étudiée, la mieux condensée, la plus complète. Il acheva de mettre le sceau à sa notoriété par ses deux volumes sur le Roi René, sa vie, son administration, ses travaux artistiques et littéraires (1875) ; notre confrère obtint le grand prix Gobert à l’Académie des inscriptions et belles-lettres pour cet ouvrage considérable où il a su, avec talent, mettre en relief la vie intime et le rôle public d’un prince qui fut le Mécène de son temps et dont le souvenir est resté populaire et environné d’une sorte d’auréole légendaire.

« Dans son Saint Martin (1881, in-8o), Lecoy de la Marche entreprend, comme dom Pitra l’avait fait, non sans succès, pour saint Léger, de donner à l’hagiographie une place plus grande que celle qu’elle occupe aujourd’hui dans les préoccupations des historiens. L’idée est éminemment louable et doit être féconde, mais l’exécution était particulièrement ardue, car l’histoire de saint Martin n’est pas seulement celle d’un des patrons de l’ancienne France ; il faut y voir avant tout, comme le dit l’auteur, l’histoire « de la substitution du christianisme à l’idolâtrie, dans la contrée qui est devenue la France, et spécialement dans les campagnes gauloises. » Vaste et difficile sujet que notre confrère n’a pu épuiser dans un volume écrit avec une chaleur communicative qui ne nuit point à son érudition, et qu’on lit avec autant d’agrément que de profit.

« Les deux volumes consacrés aux Relations politiques de la France avec le royaume de Majorque (1892) contiennent, comme commentaire à de nombreux documents inédits rassemblés à grand’peine en France et en Espagne, un récit vivant et coloré des vicissitudes, peu connues jusque-là, de l’histoire des îles Baléares au moyen âge. Dans ce dernier des plus importants travaux scientifiques de notre confrère, on retrouve les qualités qui font l’originalité et l’attrait de son érudition : comme il en exprime l’ambition en quelqu’une de ses préfaces, il a su ici, aussi bien que dans ses autres ouvrages, tirer des documents un récit suivi, et « faire, dit-il, une gerbe agréable et solide, plutôt qu’une masse informe et sans cohésion, un livre à lire plutôt qu’une compilation à consulter. »

« Érudit de profession, Lecoy de la Marche voulut viser le grand public ; il eut le talent de l’atteindre et de mettre à sa portée des découvertes scientifiques, qui seraient vaines et inutiles si elles devaient rester l’apanage des savants qui les ont faites. Il écrit pour ainsi dire d’abondance, d’une plume alerte et avec une facilité rare ; on a prétendu même que cette facilité, qui est un don naturel des plus enviables, a pu parfois nuire à la sévérité de sa critique. Toujours est-il qu’elle ne le dispensa point du travail, je dirai d’un travail opiniâtre, incessant. La vie de Lecoy de la Marche a été une vie de lutte