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paraît-il, ne se trouvait pas suffisamment édifié par les premiers rapports, en demanda un troisième. Celui qui fut remis en vendémiaire an VIII et qui ne diffère pas sensiblement des précédents fut sans doute la réponse à cette demande[1]. L’activité des commissaires risqua même de prendre une forme dangereuse pour le Trésor des chartes. La grande erreur de ce temps, celle qui a vicié nombre des plus utiles réformes dues à la Révolution, vient de ce que les réformateurs étaient presque toujours des théoriciens faisant table rase du passé pour se conformer à je ne sais quel idéal beaucoup plus souvent qu’aux nécessités pratiques. Nous en avons un triste exemple dans le classement de nos archives, où les fonds ecclésiastiques, pour ne citer que ceux-là, ont été divisés au grand détriment de l’histoire et de la conservation même des documents, les pièces d’une même série se trouvant dispersées en diverses catégories d’ordre soi-disant rationnel. Or, le Trésor des chartes était menacé du même sort, car l’ancien classement de Dupuy, adopté d’abord par le Bureau, ne l’avait été qu’à titre provisoire : « On le répète, disaient les auteurs du rapport de l’an VI, cet ordre ne fait qu’en attendre un définitif. »

Par bonheur, un certain nombre des membres du Bureau n’étaient pas étrangers aux travaux qu’ils avaient entrepris. Si, par une concession, peut-être nécessaire, à l’esprit du temps, ils consentirent à disloquer presque tous les fonds qu’ils eurent à examiner, si même ils pensèrent un moment à procéder à un remaniement général du Trésor des chartes, ils comprirent de bonne heure que celui-là, tout au moins, ne devait être ni trié ni divisé : « Le triage ne doit point avoir lieu ; dans ce dépôt, tout est précieux, rien n’est à supprimer. » Ainsi s’exprimait dans des Observations manuscrites un des commissaires, Berger, ancien aumônier des Mousquetaires. Il y avait encore chez ce défroqué assez de l’abbé du xviiie siècle pour qu’il eût la singulière idée de mêler à la prose de ses rapports administratifs des vers de sa façon, et quels vers ! N’imaginait-il pas de faire parler le Trésor des chartes !

Peu connu des savants, ignoré du vulgaire,

  1. Rapport de vendémiaire an VIII, p. 75-76 (Arch. nat., papiers du secrétariat).