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délivrer, au prix coûtant, une partie du stock détenu par un de leurs collègues : la proportion que le détenteur se trouvait obligé de céder pouvait s’élever en certains cas jusqu’à moitié de son approvisionnement. Ajoutons que les statuts autorisaient souvent les consuls à fixer le prix de la matière première et que défense était faite aux associés d’essayer de se concilier les fournisseurs en les séduisant par quelque avantage particulier. Quant à la loyauté des transactions, elle se trouvait assurée par une série de stipulations relatives aux marques de fabrique, à la vérification des poids et mesures, à l’inspection des marchandises suspectes. Il est certain néanmoins que les statuts s’occupent beaucoup plus de l’organisation intérieure des corporations et du maintien des privilèges des associés que des intérêts du public.

Là était le vice originel, le défaut constitutif du régime des corporations. La guerre acharnée que lui déclara Turgot en France, et qui se termina par l’édit d’abolition de 1776, eut à Rome son contre-coup par l’ordonnance de 1801, rendue sous le pontificat de Pie VII, et qui supprima totalement, là comme ailleurs, jurandes et maîtrises. La lutte des disciples de Turgot contre le régime corporatif fut certes nourrie de sophismes, de phraséologie facile et creuse, et à peu près d’autant d’erreurs que de mots. Il ne faut pas cependant oublier que le régime de la concurrence, malgré les maux qu’il a pu déchaîner sur l’univers, est le seul conforme au plan général de la nature, dont le règne humain ne peut avoir la prétention de s’abstraire.

Certes, entre les tranquilles corporations d’autrefois et les formidables groupements exigés par l’industrie moderne, nulle comparaison ne s’autorise ni ne s’admet. Mais, à l’heure où le principe d’association, élargissant démesurément ses frontières, semble devoir représenter la formule de la société imminente de demain, à l’heure où, selon la forte et simple expression de von Hartmann, l’ « association libre[1] » paraît appelée à constituer la « quatrième et dernière phase de l’organisation économique[2], » il est d’un intérêt tout spécial de trouver réunis et codifiés les résultats de plusieurs siècles du régime corporatif, dans un État exceptionnel, où le libéralisme théorique aurait eu plus de leçons qu’on n’en pourrait croire à méditer et à s’assimiler. M. Rodocanachi, en faisant pénétrer dans le public ce nouvel élément de discussion, me paraît avoir mené à bonne fin une œuvre d’une réelle portée historique et sociale.


Germain Lefèvre-Pontalis.


R. Richebé. Les trente-deux Quartiers généalogiques de S. A. R. Mgr le duc de Bragance. Paris, impr. Monrocq, 1894. 124 pages, 62 planches.


Ce travail a pour but de déterminer, en remontant à la quatrième

  1. Phil. des Unbewussten, II, X.
  2. Ibid., id.