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la solvabilité et l’honorabilité des candidats, se distinguent comme les moyens les plus communément employés. Par contre, pour les fils ou les héritiers directs des patrons, ni droit d’entrée, ni examens, ni enquête, ni même de stage ou de limite d’âge. Dans presque tous les statuts, en somme, conclut M. Rodocanachi, « perce le désir d’assurer aux familles patronales le monopole de la profession, de créer des castes. »

Dans toute la partie qui a pour titre : « Étude synoptique des prescriptions contenues dans les statuts, » l’une des plus substantielles de l’ouvrage, M. Rodocanachi étudie, en les groupant et en les comparant les uns aux autres, les points successifs de ces règlements divers. Les conditions d’admission, tant des patrons que des ouvriers et apprentis, la création des officiers de chaque corporation, leurs fonctions, les devoirs des membres, les conditions dans lesquelles les statuts pouvaient être modifiés, sont ainsi l’objet d’un examen approfondi.

Le cautionnement exigé des candidats ne possédant pas de biens-fonds, le droit de sceau, l’installation des nouveaux membres et le serment, sont successivement passés en revue. Les officiers, consuls, camerlingues et conseillers, déjà mentionnés dans les statuts de la Mercanzia de 1255, voient bientôt s’accroître leur nombre, et une tendance à multiplier les états-majors commerciaux et industriels ne tarde pas à se manifester. Un curieux mode d’élection est celui que signale l’auteur, sous le nom d’imbossolazione, qui consistait à voter longtemps d’avance, plusieurs années quelquefois, par tablettes enfermées dans des urnes scellées du sceau de la corporation, et dont l’ouverture préalable était interdite sous les pénalités les plus sévères. Le jour assigné au dépouillement survenu, les bulletins étaient contrôlés et comptés avec le soin le plus minutieux. Ces désignations à longue échéance rendaient, paraît-il, les compétitions moins âpres et les rivalités commerciales moins préjudiciables aux intérêts généraux de l’association. Procédé ingénieux peut-être, mais auquel ses inévitables inconvénients obligèrent bientôt à renoncer.

Les associés sur qui s’étendait le pouvoir des chefs ainsi désignés, soit par ce mode d’élection, soit par tout autre, se liaient entre eux par de nombreuses et strictes obligations. Le sentiment de la solidarité était chez eux très vif, et cette pensée fondamentale, impliquée dans tous les règlements, explique fortement la durée et la puissance des corporations romaines. Pour éviter les abus de la concurrence, il était interdit aux boutiquiers de s’installer à moins d’une certaine distance les uns des autres. Si deux associés se séparaient, la distance était au moins doublée. Dans toutes les corporations, sauf deux, un patron n’avait pas le droit de posséder à la fois deux boutiques. Quant à l’accaparement, on le prévenait d’une manière particulière : les patrons qui manquaient de matières premières ou de marchandises étaient autorisés à se faire