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N’est-il pas beaucoup plus simple, plus logique, plus satisfaisant d’admettre une autre thèse, dont la vérité saute aux yeux cependant, à savoir que la section nord de Domremy et le village de Greux, en tout ou en partie, se rattachent tout naturellement aux mêmes circonscriptions que celles dont ces territoires dépendaient au temps de Jeanne d’Arc, c’est-à-dire, dans le bailliage de Chaumont, à la prévôté d’Andelot ? Ces terroirs ne figurent pas dans la prévôté de Vaucouleurs en 1335, parce qu’ils ne lui ont jamais appartenu, dépendants qu’ils étaient en réalité d’un autre ressort. Par conséquent, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’on ne les voie pas réunis au royaume en 1335 ou 1341, puisqu a cette date ils l’étaient depuis longtemps, ayant suivi le sort des cantons rattachés à la Champagne, et incorporés au sol français avec cette province, à la fin du XIIIe siècle. Ils n’ont pas eu à entrer dans le domaine, parce qu’ils en faisaient déjà partie, et n’en avaient pas été distraits[1].

Voilà, semble-t-il, l’erreur où M. l’abbé Georges, à la suite, il est vrai, de l’auteur de Jeanne d’Arc à Domremy[2], s’est laissé entraîner, en suivant une piste fausse et sans considérer suffisamment la valeur intrinsèque des actes contemporains du procès.

Le fait que, sans distinction inutile de période, des sections au moins de Domremy et de Greux comptaient comme terre de France, subsiste donc avec toutes les mêmes preuves que précédemment. Les actes contemporains et officiels, déjà cités, un peu oubliés peut-être par tous, au fort de cette mêlée de textes secondaires, mais auxquels on serait parfaitement en droit de limiter exclusivement la discussion, n’en perdent pour cela rien de leur force et n’en pèsent pas moins dans le débat de tout leur poids décisif[3].

Cette dernière partie de l’ouvrage de M. l’abbé Georges contient en somme, sur cette question irritante, un exposé confus et inégal, mais alimenté d’arguments meilleurs que l’auteur ne le croit peut-être lui-même. M. l’abbé Georges est au courant du dossier du débat, il n’en

    dans sa troisième Dissertation, ainsi qu’une seconde plus récente, en date de 1886, due à M. Humblot, instituteur de Domremy, et signée de M. l’abbé Bourgaut, curé de Domremy, note publiée par M. Chapellier dans sa seconde Étude et dans son Étude à Domremy.

  1. C’est ce que, au cours de l’impression de cette analyse, a démontré avec beaucoup de force M. l’abbé Misset dans une toute récente et solide étude dont indication est donnée ci-après (Jeanne d’Arc Champenoise, ch. II, p. 19-20).
  2. Siméon Luce, Jeanne d’Arc à Domremy, Introduction, ch. I, p. XX-XXIII, et Preuves, VI, p. 7-9. Cette hypothèse erronée avait été proposée par M. Pernot, en 1851, dans son étude : Jeanne d’Arc Champenoise et non pas Lorraine, p. 9-10. Elle avait déjà été émise par M. de Montrol dans son Résumé de l’histoire de la Champagne (Paris, 1826, in-18, 452 p.), p. 280-281. Cette filiation peut être curieuse à signaler.
  3. Interrogatoire, anoblissement et exemption, cités ci-dessus, p. 159, n. 3, 4, 5.