Page:Bibliothèque de l’École des chartes - 1895 - tome 56.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

raisons que les partisans lorrains de l’origine barroise ont cru pouvoir tirer d’un déplacement, encore contestable, paraît-il, du ruisseau-frontière auquel il vient d’être fait allusion ?

Le tracé actuel de ce ruisseau, dit des Trois-Fontaines, qui coupe en effet, aujourd’hui encore, le village de Domremy en deux parties inégales[1], pourrait, reconnaissent les érudits lorrains, servir de preuve aux partisans du rattachement d’une section du village au territoire français, section dans laquelle, à l’heure qu’il est, et à n’en juger que d’après la configuration présente du sol, se trouverait distribuée l’habitation natale de Jeanne d’Arc. Mais, se hâtent-ils d’ajouter, le sillon actuel du cours d’eau n’est tel que depuis le courant du XVIIIe siècle, époque où il est avéré que des travaux de route eurent à détourner la pente naturelle et ancienne des eaux, qui laissait Domremy tout entier d’un même côté, c’est-à-dire le côté barrois. Si donc, continuent-ils, on prend pour base la limite tracée par le cours même du ruisseau des Trois-Fontaines, avant sa déformation récente, il faut admettre que le territoire intégral de Domremy se trouvait en terre de Bar.

On vient cependant de voir combien cette modification de direction, détail complémentaire de la question, importe peu en elle-même, puisque d’autres éléments d’information plus sûrs, tirés de raisons administratives, et non plus topographiques, permettent de négliger son apport dans la discussion. De 1851 à 1857, une polémique assez serrée s’était engagée, sur ce point comme sur les autres, entre M. Henri Lepage, archiviste de la Meurthe, et M. Athanase Renard, ancien député de la Haute-Marne, maire de Bourbonne, partisans, le premier de l’origine barroise et lorraine, le second de l’origine champenoise et française[2], polémique au cours de laquelle un autre érudit, M. Per-

  1. Rappelons à ce sujet que tous les plans de Domremy, édités dans les diverses études consacrées à cette discussion, sont tirés, — sauf ceux donnés par M. Chapellier dans son Étude sur Domremy, pays de Jeanne d’Arc, et dans sa seconde Étude sur la véritable nationalité de Jeanne d’Arc, sauf aussi celui inséré par M. Lepage dans sa troisième Dissertation sur la question : Jeanne d’Arc est-elle Lorraine ? — de l’excellent plan dressé en 1820 par Prosper Jollois, le sagace érudit dont les persévérants efforts ont conservé au culte national la maison même de Jeanne d’Arc. (Histoire abrégée de la vie et des exploits de Jeanne d’Arc. Paris, P. Didot, l’aîné, 1821, in-fol., 202 p., pl. I, p. 190.) Ce plan a l’extrême mérite de n’avoir été dressé pour les besoins d’aucune cause, et c’est toujours à lui qu’il faut se rapporter pour tout ce qui n’est pas, dans la discussion, levé d’arpentage ou détail cadastral.
  2. En voici les phases successives, indiquées d’après une série d’opuscules et de recueils relativement difficiles à grouper. — Guerrier de Dumast, Philosophie de l’histoire de Lorraine. Nancy, 1850, in-8o, 36 p. (Extrait du Congrès scientifique de France, XVIIe session. Nancy, 1850, t. II, p. 275-304). — A. Renard, Souvenirs du Bassigny champenois. Jeanne d’Arc et Domremi (1851). Paris,