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par des témoignages fixés dès les premières années du XVIIe siècle, passe généralement pour le lieu natal de Jacques d’Arc. Même groupement en ce qui concerne le bourg de Vouthon, situé peut-être en pays barrois, mais en tout cas dans les cantons mouvants de la couronne de France, petit centre agricole qui semble le berceau originel d’Isabelle Romée. Les relations de cette branche barroise de la famille de Jeanne d’Arc avec la contrée champenoise, notamment avec le district Perthois, où viennent s’implanter plusieurs de ses rameaux, sont également l’objet d’un complet exposé. L’auteur est au courant des dernières recherches de l’érudition sur ces points et, en les éclairant mutuellement l’un par l’autre, résume judicieusement les résultats acquis.

« L’influence du milieu champenois… et la réaction de ce milieu contre la Lorraine, restée féodale et devenue anglo-bourguignonne, » tel est (p. 122) le thème du chapitre suivant. Termes qui représentent, comme croit devoir le rappeler M. l’abbé Georges en citant (p. 524) un passage d’une lettre particulière en date de février 1888, l’expression même de la pensée de M. Siméon Luce sur la question. On trouvera dans ce chapitre, et dans celui qui lui fait suite, un résumé de cette histoire régionale de la Champagne orientale, entre 1420 et 1429, que l’auteur des Recherches critiques sur les origines de la mission de la Pucelle avait créée de toutes pièces et pour ainsi dire sortie du néant.

Il serait superflu d’insister sur l’importance des événements dont la Champagne fut le théâtre, dans la triomphale campagne de 1429, après la levée du siège d’Orléans, et sur la situation privilégiée occupée de tout temps dans l’histoire de France par la métropole rémoise, où se symbolise, en cette année mémorable, le couronnement de la carrière de la Pucelle. L’auteur consacre ses deux chapitres VIII et IX (p. 240-326) au récit de ces faits, exactement présentés, quoique sans contribution nouvelle, difficile d’ailleurs à imaginer sur des événements depuis longtemps suivis de si près.

Par contre, n’est-on pas en droit de trouver une exagération singulière dans le développement de la théorie que soutient ailleurs M. l’abbé Georges (chap. VII, p. 192-239) ? L’esprit des croisades, dont Jeanne d’Arc aurait été l’expression idéale, serait l’esprit champenois lui-même ! Était-il bien nécessaire de consacrer encore de longues pages, ingénieuses certainement, mais ne côtoyant même pas la question, à « la Champagne, considérée comme berceau de la langue d’oïl, langue spirituellement parlée par Jeanne d’Arc » (chap. X, p. 326-376) ? Chrestien de Troyes, Villehardouin et le comte Thibaud peuvent avoir possédé, chacun à leur heure, leur charme expressif, sans autoriser pour cela d’aussi lointains et inattendus rapprochements. De même, est-on bien en droit d’assurer que le « caractère franco-champenois » soit celui que personnifie Jeanne d’Arc pendant le cours de son procès (chap. XI, p. 377-422) ? Il me semble qu’un autre Champenois, et non