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livre sur l’Angleterre ; et puis il aimait à retrouver, parmi ces hommes à la face enluminée qui écoutaient les démagogues, la même tranquillité, la même tolérance, le même profond respect de la liberté qu’il voyait pratiquer par les gentlemen. Accueilli affablement par nombre de notabilités scientifiques, il put en effet connaître et apprécier à sa valeur la haute société anglaise. Après avoir terminé ses recherches au British Museum et au Record Office, il passa une partie de l’été de 1891 à Oxford et à Cambridge. Il y fit de bonne besogne, et notamment découvrit une série de sermons du xive siècle qui jettent un jour singulier sur les aspirations sociales de ce temps. Il quitta l’Angleterre sans avoir terminé des recherches qu’il ne devait jamais reprendre.

De puissants intérêts l’appelaient à Paris. Il avait appris que la Commission d’enseignement du Conseil municipal voulait créer une nouvelle chaire dans l’Enseignement populaire supérieur ; il s’agissait d’une chaire d’histoire du travail. Aucun enseignement ne pouvait mieux plaire à André Réville. Sa candidature réussit, et il inaugura ses cours dans l’hiver de 1891-1892. Quelques mois après, il épousait une jeune fille digne de lui. On parlait de lui comme d’un homme heureux ; il l’était, en effet, et avait pleine conscience de l’être.

Les trois dernières années de la vie d’André Réville furent consacrées à l’étude approfondie de l’histoire économique et sociale. Les notes laissées par lui témoignent du prodigieux travail qu’il fournit alors et qui, ajouté aux fatigues antérieures, usa peut-être sa santé. Du reste, ces longs labeurs préparatoires n’alourdissaient nullement les cours qu’il faisait ; il rejetait résolument mille détails qu’il avait eu grand’peine à réunir, mais qui auraient ralenti sans réelle utilité son exposé. Il n’était pas seulement un habile orateur, sachant mettre en ordre et exprimer ses idées ; il prenait grand soin d’adapter ses leçons à l’intelligence et à la culture du public qui les écoutait. Il multipliait les anecdotes caractéristiques et pensait qu’un de ses premiers devoirs était de ne jamais ennuyer. Une fois rentré chez lui, il notait les impressions qu’il avait lues sur le visage de ses auditeurs et en faisait son profit. Ce public assidu et chaleureux de bourgeois, de petits employés et d’ouvriers, il se préoccupait de le retenir, de le voir s’augmenter sans cesse. Il fournissait avec une patience infatigable les éclaircissements qu’on venait souvent lui demander. Pénétré de l’importance des faits qu’il exposait et des idées qu’il semait, il voulait avoir