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En même temps qu’il préparait à la Sorbonne la licence et l’agrégation, il entrait à l’École des chartes en 1886, et il y faisait de fortes études, qui eussent été plus brillantes encore s’il avait pu y consacrer tout son temps. À l’École des Hautes-Études, il fut un des élèves les plus assidus de M. Bémont.Ces travaux multiples ne le rebutaient pas un instant, n’altéraient jamais la sérénité de son humeur. Parmi les archivistes de la promotion 1890, qui ne se souvient de l’excellent camarade qu’était André Réville, si affable, si discret, et, à l’occasion, de si bon conseil ?

André Réville soutint sa thèse pour obtenir le diplôme d’archiviste paléographe en janvier 1890. Elle avait pour sujet un épisode important de l’histoire sociale de l’Angleterre. C’était une Étude sur le soulèvement des paysans d’Angleterre sous Richard II en 1381 ; la révolte dans les comtés de Hertford, Suffolk et Norfolk. Il avait fait deux voyages à Londres pour en recueillir les matériaux. Mais le temps lui avait manqué pour mettre en œuvre à sa propre satisfaction tous les éléments qu’il avait amassés au cours de ses recherches. Néanmoins il fut classé dans un bon rang. Il sortit troisième de l’École[1] et la même année fut reçu second à l’agrégation d’histoire. Son apprentissage scientifique était terminé. Il en garda un bon souvenir. Il se sentait les reins solides et parlait avec confiance de l’œuvre qu’il voulait entreprendre. Il obtint une bourse de voyage et séjourna pendant l’année 1890-1891 en Angleterre pour reprendre jusque dans ses fondations le travail qu’il avait fait sur la rébellion de 1381 et le transformer en thèse de doctorat ès lettres. Sa tâche le passionnait. Il se sentait déjà attiré vers l’histoire économique et sociale : décrire la condition des classes laborieuses dans les anciens âges, leurs croyances, leurs espoirs et leurs révoltes, lui paraissait à juste titre un travail plein d’intérêt et d’utilité. D’autre part, il étudiait depuis longtemps avec un goût particulier le passé de l’Angleterre. Si français qu’il fût par ses sentiments et la générosité de son cœur, il aimait et admirait les Anglais, leur sang-froid, leur énergie, leur joie de vivre et d’agir. Pendant son séjour à Londres, il prenait plaisir, le dimanche, à gagner les pelouses lointaines de Victoria-Park, pour entendre discourir les orateurs socialistes ; il notait avec curiosité les progrès que l’idée démocratique a faits outre-Manche depuis l’année où Taine écrivit son

  1. Les trois premiers de cette promotion étaient à peu près ex æquo.