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« De là vient, continue Levot, le titre de maistre d’hostel de la royne de France, qu’il prend en tête de ses poésies. » Comment l’eût-il pu prendre, n’ayant jamais vu Anne de Bretagne sur le trône de France ? Elle y monta seulement le 6 décembre 1491 par son mariage avec Charles VIII, et Meschinot était mort le 12 septembre (comme Levot le proclame), c’est-à-dire deux mois avant.

Ceci seulement à titre d’exemple, car il y a bien d’autres drôleries qu’on peut voir dans la critique de M.  Trévédy ; mais Goujet n’en a guère moins ; Niceron[1] et Colletet, si peu qu’ils disent, n’en sont point exempts.

Laissons ces critiques rétrospectives, voyons quels fondements solides on peut trouver pour la biographie de Meschinot.


II.


D’abord, la date précise de sa mort : elle nous est fournie par une épitaphe en vers, imprimée dans une des plus vieilles éditions de notre poète, non toutefois (comme l’a cru M.  Trévédy) la première donnée à Nantes par Étienne Larcher en 1493, mais une autre sans date, imprimée quelques années après à Paris par Pierre Le Caron. Brunet la croit antérieure à celle de Pigouchet de 1495 ; tout au moins est-elle du xve siècle. Comme cette épitaphe, curieuse en plus d’un point, n’a pas été réimprimée en entier depuis Goujet (1745) et qu’on n’en cite jamais que deux ou trois vers, il convient d’en reproduire ici le texte complet, en forme de rondeau, ainsi conçu :

Vertueux gist d’honneur bien proche.
En armes servit sans reproche
Cinq ducs. Onc ne fut reprochié.
Priez Dieu qu’il soit approchié
Du pardon qui sa joye approche.

De Meschinot fut son surnom,
Lunettes fit (cil Iehan eut nom)
Et maint beau dicté sans redite.

  1. Niceron, Mémoires pour servir à l’histoire des hommes illustres de la république des lettres, t. XXXVI (Paris, 1736), p. 357-361.