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Malgré le nombre de ses troupes, Édouard III, à la vue des préparatifs des défenseurs, n’eut garde d’essayer d’enlever de vive force la ville du sacre. Peut-être même l’attitude de l’archevêque ne put-elle pas être ce que l’Anglais s’était plu à espérer. Quoi qu’il en soit, l’histoire ne relate pas d’attaque sérieuse : Knighton raconte que ses compatriotes s’invitaient à des repas, comme ils l’eussent fait en Angleterre[1] ; tout cela ne témoigne pas d’une bien vive ardeur guerrière.

Seulement l’instinct d’aventure ou, disons mieux, l’instinct de pillage propre à la race reprenant le dessus, plusieurs gentilshommes de l’armée d’invasion, las de cette inaction, se mirent à ravager non seulement les environs de Reims, mais encore le Rethélois jusqu’à Warcq, Mézières, Donchery et Mouzon. Eustache d’Auberchicourt, le redoutable chef de bandes, s’empara d’Attigny[2] ; il y trouva, dit Froissart, plus de mille tonneaux de vin ; Attigny était en effet au centre d’une région de vignobles estimés encore il y a soixante ans. Eustache d’Auberchicourt offrit une partie de sa prise au roi d’Angleterre et à ses enfants. Je m’empresse d’ajouter que la vendange de 1359 passait pour n’avoir rien valu[3].

Pendant qu’Eustache d’Auberchicourt ravageait les deux rives de l’Aisne et que Barthélémy de Burghersh, auquel s’étaient joints plusieurs gentilshommes de la maison du prince de Galles et de la suite du comte de Richmond (20 décembre), assiégeait Cormicy, le duc de Lancaster, le comte de Richmond, le comte de March, Jean Chandos et Jean Audley partirent, le 29 décembre, à la nuit, dans la direction de l’est. Ils comptaient attaquer Cernay-en-Dormois[4], « un moult biel fort[5], » place effectivement assez forte, entourée d’un double fossé dont on reconnaît encore les profils au midi ; les murailles, sans doute en moellons de craie ou de gaise, étaient hautes, flanquées de tours, et la garnison comptait un bon nombre de gens d’armes. Elle était commandée par deux hommes déterminés. Le premier,

  1. Twysden, Rerum Anglicarum… scriptores X, t. II, col. 2621.
  2. On ne s’explique pas que M. A. Molinier(Fragments inédits de la chronique de Jean de Noyal, Annuaire-Bulletin de la Société de l’histoire de France, année 1883, p. 257, note 4) ait renoncé à identifier la célèbre localité d’Attigny (Ardennes, arr. de Vouziers, chef-lieu de canton).
  3. Froissart, éd. Luce, t. V, p. 202 et 213.
  4. Marne, arr. de Sainte-Menehould, cant. de Ville-sur-Tourbe.
  5. Froissart, éd. Luce, t. V, p. 213.