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pianissimo et un soupir. Que l’on vienne dire que le nombre des muettes proclitiques et enclitiques soit, dans le vers, infiniment plus grand que celui des muettes se suffisant et comptant par elles-mêmes, cela est certain ; mais cela ne milite point contre notre doctrine : confondre la syllabe muette

 
Oui, je viens

avec la syllabe avalée par l’élision

Dans son templ(’e) adorer l’Éternel

choquera autant le métricien que la confusion entre le soupir et le pianissimo choquera le compositeur.

En cherchant à compenser les muettes par des « silences, des allongements » ; en parlant « quantité de voyelle qui précède l’e muet », M. Psichari court après un mirage qui éblouira les décadents, mais ne dépouillera point de leur claire vision les traditionnels. Il n’y a point de syllabes longues ni brèves en français, et cela par une raison bien simple, c’est qu’en français, L’ACCENT A TUÉ LA QUANTITÉ[1]. Les

  1. Les deux hémistiches cités par M. Psichari

    Dans un site charmant,

    et

    Les eaux vives, filtrant,

    n’ont rien de probant. Qu’il abrège tant qu’il voudra l’i de site, qu’il allonge tant qu’il voudra l’i de vives, l’un comme l’autre i ne compteront jamais que pour une seule et unique syllabe dans le vers français. Le principe fondamental du vers grec et latin : « Une longue vaut deux brèves » s’est totalement évanoui chez les modernes.