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D’autr’ vont maint’nant passer où nous passâmes,
Nous y fum’-z heureux ; d’autr’ vont y v’nir,
E’ l’ song’ charmant q’ révèr’ nos âmes,
Il’ l’ continuront sans pouvoir l’ finir.

Je ferai remarquer à M. Psichari qu’il se contredit ; car dans « Ma fill’ va prier », la disparition de l’e muet amène la rencontre de trois consonnes ; car, aussi, dans « Est-c’ toi, chère Élise ? » une rencontre similaire se produit. Pour donner à son procédé de scansion une harmonie, une cohérence totale, M. Psichari ferait bien de supprimer sa restriction, qui compromet sa méthode.

Remontons du romantique au classique et relisons, redéclamons, conformément à la règle Psichari, la prière d’Esther à Assuérus :

… Ô Dieu ! confonds l’audace et l’imposture !
Ces Juifs, dont vous voulez délivrer la nature,
Q’ vous croyez, Seigneur, les derniers des humains,
D’un’ rich’ contré-autrfois souvrains,
Pendant qu’ils n’adoraient q’ l’ Dieu d’ leurs pères,
Ont vu bénir l’ cours d’ leurs destins prospères.
C’ Dieu, maître absolu d’ la terr’ et des cieux,
N’est point tel q’ l’erreur l’ dépeint à vos yeux.
L’Éternel est son nom, l’ monde est son ouvrage,
Il entend les soupirs d’ l’humbl’ qu’on outrage,
Jug’ tous les mortels avec d’égal’ lois,
Et du haut d’ son trône interrog’ les rois.

Ô Racine, oreille de métricien consommé, plume de poète à la fois grand grammairien et grand écrivain, qu’eusses-tu dit en entendant ton élève, Champmeslé, déclamer tes alexandrins