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— Ton inconnue se moque de nous, dis-je à Réal. Allons, finissons-en, nous ne sommes pas pour la suivre toute la nuit. Si elle te tient au cœur va lui parler de suite, nous saurons alors à quoi nous en tenir. Les positions tendues m’ennuient. C’est le bon moment, tu pourras jouir de la vue de sa beauté, voici une lumière électrique, exécute toi.

Réal obéit, en deux pas il la rejoignit.

— Madame ou mademoiselle, dit-il en saluant.

— Que me voulez-vous, répondit-elle en relevant un voile épais qu’elle avait jusqu’alors tenu baissé sur sa figure.

— Ah ! exclama Réal, pardon je me trompais.

J’avais tout vu et comme dans le tramway je n’avais pu m’empêcher de rire de la mésaventure de mon ami, cette fois encore j’éclatai. Nous avions devant les yeux une Africaine du plus beau noir qui nous avait joliment joués.

— Aimes-tu encore les variations, Réal ?

— Peste, tu me portes malheur, Raoul, je crois que je ne continuerai pas à me promener avec toi. Je ne serais pas du tout surpris maintenant que pour continuer mes déboires Jeanne me reçût comme un chien dans un jeu de quilles.

— Ne t’effraie pas, Réal, cette petite Jeanne a le tort de t’aimer beaucoup plus que tu ne le mérites, ainsi comme tous les mauvais sujets tu auras l’avantage d’épouser une femme parfaite pour supporter tous tes défauts. Allons, entre, nous voici chez ta fiancée, quoiqu’il ne soit pas neuf heures fais lui le plaisir, aujourd’hui, d’aller la visiter à une heure convenable.

— Vraiment, Raoul, on dirait que tu me fais la leçon.

— Je ne fais de leçon à personne, mon ami, je me contente de dire ce que je pense.

— Ainsi tu crois que Jeanne sera malheureuse en m’épousant.

— Je ne dis pas cela. Je ne sais pas ce qui peut rendre une femme heureuse. Le bonheur pour la femme est une chose si relative. J’en ai vu qui étaient parfaitement malheureuses avec des maris modèles.