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mari vous le dit, donc vous êtes encore jeune fille. Amusez-nous et moquez-vous des hommes, c’est la plus grande consolation qu’une femme puisse trouver lorsqu’elle a été outragée.

Je finis par penser que ma cousine avait raison, dès lors, je résolus de ne plus me chagriner au sujet de celui qui m’abandonnait si lâchement. Le monde, je ne le connaissais pas, mais je m’y lançai avec toute la frénésie d’une femme, qui veut oublier. Je voulais ne pas avoir le temps de penser, de souffrir. J’y étais parvenue jusqu’à un certain point, cette vie d’insouciance et de plaisir avait engourdi mes souvenirs, lorsqu’un jour je rencontrai Georges de Ferrares. Alors une terrible réaction s’opéra en moi. Je sentis que jusqu’à ce moment il m’avait manqué une part de moi-même, je sondai le vide dans lequel j’avais vécu m’apercevant avec désespoir que j’aimais. Ce cœur que j’avais cru mort à tout sentiment d’amour se réveillait aux accents d’une voix adorée. Combien de moments doux, j’ai passés près de lui, payés l’instant d’après de larmes bien cruelles. Pourquoi nos deux âmes créées l’une pour l’autre, se rencontraient-elles, hélas, trop tard ? Tout nous unissait, sympathie irrésistible, harmonie de sentiments, communion de pensées. Je retrouvais en lui mes goûts, mes idées. Que de