Page:Bibaud - Lionel Duvernoy, 1912.djvu/24

Cette page a été validée par deux contributeurs.
24

celle-là a droit à tout l’amour, la tendresse, le respect qu’un cœur peut éprouver, puisque c’est ma mère.

Comment, allez-vous me dire, votre mère, une femme de tant d’esprit, de tact, de finesse, a-t-elle pu vous causer des désagréments assez grands pour vous décider à laisser Montréal, où vous deviez passer six mois ? il faut avoir été trop prompt, ou, mon cher, permettez-moi de le dire, il faut que vous ayez manqué de raison.

Parfait, je vous l’accorde, j’ai manqué de raison ; mais Edgard, avouez que les femmes d’esprit sont celles qui se fourrent les plus singulières idées dans la tête. Figurez-vous que ma mère, savez-vous ce qu’elle voulait ? Je vous le donne en mille, je vous le donne en cent, elle voulait me marier ! Comprenez-vous enfin ce grand mot ? me marier, moi, qu’en dites-vous ? n’était-ce pas assez pour me faire fuir jusqu’au Mont Blanc ? Oui, je me sentais d’ardeur à gravir ces montagnes et à me laisser geler sur leurs sommets à cette proposition. Me marier, moi l’excentrique, moi le misanthrope, ah ! ah ! ah ! du fond de ma retraite je vous assure que je ris de bon cœur.

— « Mon fils, m’a dit ma mère en commençant, savez-vous que vous avez bientôt trente-trois ans.

— « Oui, ma mère, je ne l’ai pas oublié.