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venir leur maison lui était fermée pour toujours.

Cette scène suivant la mort de sa cousine causa un nouvel évanouissement à Lucienne, déjà beaucoup affaiblie par le choc nerveux qu’elle avait reçu.

Quelques heures plus tard partant du Bout-de-l’Île pour remonter à Montréal on voyait défiler un funèbre cortège, le corbillard n’était suivi que d’une seule voiture. De loin un jeune homme atterré, l’âme angoissée suivait du regard cette voiture qui transportait, privée de sentiment celle sans laquelle le monde n’était pour lui qu’un désert.


V


De longues et tristes semaines s’écoulèrent pour Pierre après ces malheureux événements. Il savait, par les récits de la ville, que Lucienne était dangereusement malade, il ne pouvait la voir ni même lui écrire. Chaque soir avec une angoisse profonde, il lisait dans les journaux la liste des morts ; si par hasard un nom commençait par les initiales de la jeune fille, son regard se troublait, un voile couvrait ses yeux, il ne voyait plus ; plusieurs minutes se passaient avant qu’il put trouver le courage de vérifier qu’il se trompait ; alors un peu rassuré il sortait pour chercher quelque diversion aux lugubres pensées qui le torturaient. Que serait le lendemain ? Toujours cette préoccupation