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Craignant d’être hué dans son rustique asile,
Laisser, pour s’y montrer, l’habillement de ville.
C’est-à-dire quitter l’habit pour le « capot ».

Le fait suivant est vrai, bien qu’il soit un peu sot ;
Je le tiens d’un témoin que je sais véridique :
Un jour, un citadin d’origine rustique,
Fut prié d’un souper que devait suivre un bal ;
C’était, s’il m’en souvient, un repas nuptial.
Le convive oublia de changer de costume.
(De ses nouveaux voisins il suivait la coutume :)
On le voit arriver, on ne dit rien d’abord ;
Dès le commencement, on est assez d’accord ;
Mais lorsque l’eau de vie est montée à la tête,
C’est alors qu’on se met à jouer à la bête.
De tomber sur notre hôte on cherche l’à-propos.
On le trouve, car l’hôte est fertile en bons mots.
« Tu te moques de nous, je crois, » lui dit un rustre,
« Ton habit est fort beau, mais il a trop de lustre :
« Nous sommes complaisants, nous allons l’éponger. »
Ils prennent l’hôte, et puis, tout droit le vont plonger,
Vêtu comme il était, au bord de la rivière ;
Et le roulent, après, dans un tas de poussière.
Le malheureux en fut malade quinze jours,
Et perdit son habit ; mais il eut son recours :
Nos rustres, amenés par devant la justice.
Payèrent médecin, habit, voyage, épice ;
Apprirent, comme on dit, à vivre à leurs dépens.

Mais l’envie est parfois, cause de maux plus grands.
Pourquoi nos gens heureux sont-ils en petit nombre ?
C’est que plusieurs de nous sont jaloux de leur ombre.