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et rencontra un parti de cent Iroquois. Ces derniers chargèrent cette avant-garde ; mais malgré l’inégalité du nombre, ils ne purent lui prendre qu’un seul homme. Contents néanmoins de ce petit succès, et craignant, s’ils allaient plus loin, d’avoir affaire à trop forte partie, ils songeaient à se retirer, quand leur prisonnier s’avisa de leur dire que le corps dont lui et sa troupe avaient été détachés était beaucoup plus faible qu’eux. Sur la parole de ce captif, ils se déterminèrent à attendre leurs ennemis, dans un lieu où il les assura qu’ils devaient passer. Les Hurons et leurs alliés parurent bientôt, et les Iroquois, au désespoir de s’être laissé duper, s’en vengèrent d’une manière terrible sur celui qui les avait engagés dans ce mauvais pas. La plupart furent d’avis qu’il fallait tâcher de se sauver ; mais un brave, élevant la voix, s’écria : « Mes frères, si nous voulons commettre une telle lâcheté, attendons au moins que le soleil soit sous l’horizon, afin qu’il ne la voie pas. » Ce peu de mots eut son effet : la résolution fut prise de combattre jusqu’à la mort, et elle fut exécutée avec toute la valeur que peuvent inspirer le dépit et la crainte de se déshonorer. Mais la partie était trop inégale : les Iroquois furent tous tués ou faits prisonniers.

« Si la Grèce eût été le théâtre d’une action semblable, dit l’auteur des Beautés de l’Histoire du Canada, le prisonnier qui se sacrifie à la gloire de son pays ; l’homme éloquent qui arrête, par deux ou trois paroles, ses compagnons prêts à fuir ; les braves qui se défendent contre des troupes quatre fois plus fortes, eussent été immortalisés par tous les arts, et consacrés comme des héros demi-dieux. »