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licence effrénée de la presse, put les confirmer dans cette idée, cette faute, ou cette erreur, de ne pas s’opposer, dans le principe, à un mal qui menaçait d’aller toujours croissant, fût due, sans doute, à la croyance erronée qu’il se guérirait de lui-même, ou serait détruit par ses propres excès, comme il arrive dans les pays où les populations peuvent voir les deux côtés des questions, ou le pour et le contre ; car il n’est pas permis de supposer que lord Aylmer ignorât qu’il est du devoir d’un gouvernement quelconque d’empêcher, autant que la chose dépend de lui, la démoralisation du peuple et la désorganisation de la société.

« Les journaux, dit un de nos écrivains, sont l’arme offensive de la démocratie, muni d’un pareil glaive, le peuple s’empare bien vite du pouvoir, si l’administration ne se hâte de réprimer les excès de ceux qui le manient. L’on voit, dans ce pays, les journaux de la majorité de la chambre d’assemblée attaquer avec violence, tandis que les défenseurs de l’administration soutiennent le combat avec le désavantage que, dans cette guerre comme dans toute autre, une défense passive a contre une aggression opiniâtre et continuellement répétée… La Gazette de Québec, dont on a vanté les succès et apprécié le mérite, la gazette de Neilson a pâli devant le Canadien ; tant, aux yeux du vulgaire, une défense calme et raisonnée paraît faible et décolorée auprès d’une attaque audacieuse qui ne respecte rien. » Lord Aylmer eût au moins une fois l’occasion de s’opposer efficacement à un mal si progressif et si contagieux : ce fût au commencement de 1832 ; plus tard, la répression légale parut être devenue impossible.